Le 10 septembre 2022 a été célébré le premier pardon des martyrs du Vignoble nantais. Il fut retardé de deux ans par la pandémie du Covid. Le succès fut au rendez-vous.
Le pari était énorme : créer un pardon aux marches de Bretagne, au sud de la Loire, sur le modèle des pardons bas-bretons, en pleine Haute-Bretagne, à 2 km de l’ancienne frontière avec l’Anjou, au milieu des vignes, devant la chapelle de saint Pierre-ès-liens, en la paroisse de la Chapelle Basse-mer, haut-lieu de la Vendée militaire, mémorial des guerres de Vendée et du génocide vendéen (la Vendée militaire comprenant une partie de la Bretagne au sud de la Loire). Ce défi a été relevé par la jeune association Bevañ Breizh (vivre la Bretagne) en collaboration avec l’association « Mémoire du futur« , présidée par l’historien Reynald Sécher, qui depuis plus de trente ans mobilise des chantiers de jeunes pour redresser les ruines de ce haut-lieu où pendant les guerres de Vendée, plus de 70 personnes sont mortes en haine de la foi catholique (principalement femmes, enfants et vieillards) brûlées dans la chapelle par les colonnes infernales du général Turreau, de sinistre mémoire.
Cette chapelle, ruinée puis restaurée par des chantiers de jeunesse estivaux avec le concours de nombreux mécènes au cours des ans, est devenue lieu de recueillement et de mémoire des martyrs de la foi catholique pendant les sombres années de la Révolution. Il manquait après la restauration des bâtiments, la création d’un cloître rappelant l’ancien prieuré bénédictin du XIème siècle, la crypte et les souterrains, une occasion commémorative pour se rassembler, prier, célébrer les martyrs, et de faire la fête, en leur honneur, dans la plus pure tradition bretonne. C’est chose faite, avec ce nouveau pardon.
La journée a débuté avec la messe des martyrs, célébrée selon la forme extraordinaire du rit romain par l’abbé Le Coq, prêtre de la Fraternité sacerdotale saint Pierre, chantée en grégorien avec cantiques en breton. (Merci aux hauts-bretons qui ont fait l’effort de chanter en breton : cela faisait un beau lien entre Haute et Basse-Bretagne, entre Vendée militaire et Chouannerie morbihannaise) en communion avec tous nos ancêtres et nos devanciers qui ont célébré et assisté à la messe clandestinement.
L’assistance à la messe était nombreuse et fervente. (Plusieurs centaines de personnes) avec toutes les générations représentées dont de nombreux jeunes enfants.
Après la messe, la procession s’est égrenée au milieu des vignes au son du bagad Alan Barvek de Nord-sur Erdre en alternance avec des cantiques en français comme en breton, avec entre autres le cantique écrit par le bienheureux Pierre-René-Rogue, prêtre lazariste de Vannes, qui après avoir exercé clandestinement son ministère de prêtre, fut exécuté en 1796 en haine de la foi après avoir offert à son délateur sa montre.
S’en suivit la (re)bénédiction d’un calvaire de 1876, où selon la tradition, les restes des martyrs avaient été ensevelis sous les fondations.
Après le retour à la chapelle au son du bagad et du « Reine de l’Arvor », grand classique à la Vierge où l’on chante breton en français » retour à la chapelle où il y eut dans le cloître la bénédiction du puits, les dernières prières, puis le chant du Bro gozh ma zadoù, aubade du bagad Alan Barvek.
Puis les réjouissances profanes, tout en restant entremêlées dans un esprit chrétien, à l’image des pardons.
Il y avait là de nombreux stands et démonstrations : entre jeux d’adresse, marché des artisans et producteurs locaux. Là où l’on a pu goûter leur talent.
Entre autres, les brasseurs à la buvette, ainsi que les démonstrations de danse bretonne des cercles celtiques de la Javelle d’Ancenis et de la Scottiche Lorousaine, en préparation du fest-noz, tous les groupes locaux, les libraires…
L’événement avait attiré la radio suisse romande qui couvrit le pardon pour la Suisse francophone en expliquant aux Suisses ce qu’est un pardon en Bretagne. Leur intervention sera rediffusée par la suite…
Reynald Sécher fit plusieurs fois la visite guidée de la chapelle restaurée, du mémorial et des souterrains avec beaucoup de passion et d’émotion et expliqua toutes les conséquences du génocide.
Et cela se poursuivit par le très précieux « Rost er forn » (rôti de porc, tradition propre aux pardons bretons) servi aux pèlerins.Avant bien sûr le fest-noz animé par les cercles et les musiciens.
Trugarez d’an holl evit an devezh-se a levenez ! Merci à tous pour cette journée pleine d’allégresse !
Les pardons peuvent aussi exister loin de la Basse-Bretagne, et sur des ruines, des crimes, et des cendres, nous pouvons renaître ! Merci à Mémoire du Futur, à Bevañ Breizh, à tous les bénévoles, aux partenaires du pardon, à toutes les associations, merci aux prêtres qui nous ont fait confiance !
Doue d’ho pennigo ! Dieu vous bénisse !
« Merci aux hauts-bretons qui ont fait l’effort de chanter en breton : cela faisait un beau lien entre Haute et Basse-Bretagne, entre Vendée militaire et Chouannerie morbihannaise »
Je pense qu’il est grand temps de ne plus faire de différence entre Basse et Haute Bretagne : le breton est la langue nationale de la Bretagne.