L’Eglise est en démarche synodale sur la synodalité, et c’est dans ce contexte particulier que cette réflexion est proposée. Elle n’a rien de revendicative. Il n’est ici question que du clergé, la part sacerdotale qui est spécialement chargée de permettre au troupeau de paître.
Le corps du Christ se déploie dans la multiplicité des charismes du peuple de Dieu. Mais s’il faut « étendre les cordages », agrandir la tente, il faut renforcer les piquets.
Puisse cette brève réflexion-suggestion contribuer à considérer quelques points qui me semblent fondamentaux pour que l’Eglise vive ce qu’elle est : le corps du Christ ressuscité toujours agissant de manière pure et sûre dans les sacrements, fruit et source de son être même.
Les diocèses depuis plusieurs décennies, six au moins, ont vu leurs effectifs de prêtres fondre comme neige au soleil. Les évêques aujourd’hui sont devant des défis qui me semblent inédits, le phénomène est continental. Le diagnostic sociologique est complexe, je laisse les spécialistes présenter thèses et arguments.
Devant cette réalité, qui ne s’est pas corrigée, les pontifes locaux sont contraints à réorganiser leurs diocèses. C’est là notre sujet :
Quelle organisation ?
Depuis le concordat napoléonien les évêques, jusqu’à ce jour, furent considérés tels des préfets de département pour les évêques et de région pour les archevêques. Cette coïncidence entre les organisations de l’Etat et de l’Eglise a eu ses heures de gloire mais l’Etat jacobin et donc centralisateur par nature n’a pas les mêmes fins que l’Eglise qui doit servir l’homme et son territoire. La CEF (Conférence des Evêques de France) composée d’évêques sous influence parisienne, la dynastie lustigérienne, a raisonné en parlement confondant déconcentration avec décentralisation et réduisant le rôle de l’ordinaire du lieu en agent d’application des résolutions votées à Lourdes, ceci sous contrôle d’une commission permanente sise rue de Breteuil à Paris.
Pour être efficace, cette logique pyramidale n’a pas intérêt à démultiplier les membres qui la composent et sa logique propre isole les évêques qui, entourés de conseils, règnent tel des gouverneurs romains donnant des ordres – on dit orientations – qu’on doit appliquer au niveau le plus bas. Chacun des exécutants, les curés, étant contrôlé dans des réunions où l’honnête remise en cause cache une sorte d’autocritique qui rappelle, violence exclue, la pratique au parti communiste (stalinien).
Une Eglise qui s’organise, qui se gère, le management a pris sa part d’influence comme modèle de gouvernance – modernité oblige. Une Eglise, dit-on, aux problématiques semblables aux fondations, Fédérations sportives ou culturelles et autres ONG.
Il faut des saints !
Cependant, d’institution divine, l’Eglise, si elle passe par des modalités terrestres et surtout bien humaines, est d’abord mystique parce que d’essence sacramentelle. Et s’il faut, ce qui semble le cas et faire consensus, réorganiser l’Eglise ce doit être pour la seule gloire de Dieu et le salut des hommes. Mon propos semblera évident et « hors sol » : Pour sanctifier les hommes, il faut des SAINTS !
On pourra recruter les meilleurs « managers » de la terre, des génies de gestion RH (Ressources Humaines), leaders, chefs ou caïds ; sans les saints, l’Eglise n’est rien !
Mais, m’objectera-t-on, les saints sont des doux, souvent de fous, ils sont bons mais n’ont pas la rigueur pour gérer et gouverner. Probable !
Or ce qu’il faut c’est gouverner. Mais gouverner pour sauver les âmes en leur annonçant la Parole de Dieu, en promouvant les bonnes œuvres et les bonnes mœurs et les incorporant au Christ en dispensant les sacrements. Aucun ministre ne pourrait le faire seul. Ce qu’il faut pour celui qui gouverne c’est un gouvernement d’accord sur les principes de discernements. Le droit de l’Eglise précise ces choses et c’est dans sa mise en œuvre que les excès ou travers possibles d’un saint trouveront la compensation.
Il faut des saints et des garants du droit avec sa charge de rigueur.
Il faut des saints, c’est-à-dire des priants soucieux de charité et de sacramentalité.
Il faut des saints qui soient proches de leurs frères dans le sacerdoce et les autres ministères. Pas des princes qui administrent au loin, donnant des directives, sans connaitre concrètement et sensiblement le territoire et les hommes dont il est question.
De la volonté à la réalité de terrain
A la tendance qui voudrait que les évêchés se regroupent comme on le fait pour les paroisses, ne serait-il pas possible de préférer des évêques de petits territoires ? Garants de l’Unité, les évêques devraient pontifier de plus près.
Cette démultiplication de la fonction épiscopale, en ces temps où il semble que des forces obscures et hostiles, par de multiples cabales qui veulent les humilier et les disqualifier, tout en rapprochant l’évêque de son peuple et son clergé, par sa banalisation atomiserait leur ciblage.
Des diocèses gros comme les antiques archidiaconés pourraient être envisagés et seraient articulés dans des archevêchés, pour le coup, renforcés.
Dans des diocèses moins vastes, qui pour certains seraient seulement une ville ou un grand pôle urbain, l’évêque connaîtrait son peuple et ses prêtres.
Dans des diocèses moins vastes, les prêtres ainsi que les diacres se connaîtraient tous et pourraient se fréquenter, pour s’aimer en Christ, comme des frères et pas seulement selon les affinités toutes subjectives ou les sensibilités partagées qui, souvent, ne le sont pas moins.
Pourrait être promue alors, autour de l’évêque ou d’un vicaire épiscopal, une dynamique que je qualifierais (avant de trouver un adjectif meilleur) de canonial comme jadis les prêtres de curies dans le chapitre diocésain. Sorte de compromis entre la solitude du prêtre éloigné et la vie canoniale des chanoines réguliers, autre vocation que celle de diocésain séculier. Ces lieux capitulaires devront pouvoir recevoir en tout temps le prêtre demandeur de chaleur et de prières. En ce lieu, à rythme convenu, régulier et fréquent les prêtres, rejoins par les diacres par un autre rythme pourront nourrir leur vie fraternelle dans la prière et la chaleur humaine. De pareilles dynamiques spirituelles, fraternelles protègerais les prêtres mais aussi les évêques et leurs équiparés de l’isolement et consoliderait pour ne pas dire constituerait leurs légitimités ; le prêtre concrètement, voir « charnellement » (l’Eglise est corps du Christ) incardiné et l’évêque en plénitude du sacerdoce en exerçant la communion par son paternel ministère.
Puisse cette rapide esquisse d’une vie ecclésiastique diocésaine contribuer, en ce temps de synode sur la synodalité de l’Eglise, à la réflexion qui doit se soumettre aux motions de l’Esprit-Saint.