Retour sur le 29° salon du livre de Riantec, le dimanche 19 novembre 2017

Amzer-lenn / Temps de lecture : 7 min
Les viators amateurs de vin de Reuilly : Jacques Enaux, Yves Daniel et Patrick Huchet (photo de Jean Rio)

J’y étais, non pas en qualité de visiteur, comme les années précédentes, mais comme invité, pour présenter l’excellent livre dont je suis le modeste auteur : « Tro-Breiz 2008-2016, de Brangolo-Izél en Inzinzac à Brangolo-Izél en Inzinzac et Rome, war hent ar baradoz, chroniques d’un viator», paru chez Edilivre en 2016, 203 pages, 17 €.

A vrai dire « invité » n’est pas tout à fait le mot exact, disons que je me suis inscrit dans les délais et que le comité organisateur, « amis arts et culture » a bien voulu m’accepter, ce dont je suis très fier : figurez-vous, mon premier salon ! …

La place qui m’a été dévolue me mettait entre Patrick Huchet, qu’on ne présente plus : un des spécialistes incontournables du camino, son dernier livre sur le sujet, m’a-t-il avoué, a fait plus de 200.000 ex, je rêve ! … et Jacques Enaux, un nouveau qui, comme moi, n’avait qu’un seul livre à offrir aux amateurs : « Amoursky boulevard » aux éditions de la Rémanence, janvier 2017, 135 pages, 12 €.

Les présentations étant ainsi faites, nous nous sommes avisés que, très opportunément, les organisateurs, dans leur grande sagesse, avaient concocté une table de « viators » dans la mesure où Jacques Enaux est manifestement au nombre des grands voyageurs qui n’hésitent pas à mettre leurs tripes sur la table pour, avec bonheur, raconter leurs péripéties, j’y reviendrai : avec lui, les éditions de la Rémanence devraient être plus opportunément dénommées « éditions de la Résilience » !

Ma relation du Tro-Breiz étant sous-titrée « Chroniques d’un viator », les quelques curieux qui se sont arrêtés devant moi se sont interrogés sur la signification du mot latin « viator », celui qui fait la « via », la route, un routard ou un routier, quoi !

Or il se trouve que, précisément, Jacques Enaux est un cheminot, un vrai, avec la retraite à 55 ans ! Son bâton de maréchal à la SNCF n’a pas été, comme je pouvais l’imaginer, la cabine de pilotage de l’Eurostar ou du Thalys mais le poste de conduite du Tire-Bouchon, autorail à voie métrique qui, pendant les mois d’été, relie la gare d’Auray à celle de Quiberon, faisant fi des embouteillages de la presqu’île et permettant, à l’occasion de l’ultime trajet quotidien, quand le temps le permet, bien sûr, au chauffeur de faire une petite pose à l’arrêt de l’isthme de Penthièvre pour piquer une petite tête dans la grande bleue. Si, si, c’est lui qui me l’a dit…

« Amoursky boulevard », le titre de son livre, est à Khabarovsk, au nord de Vladivostok, de l’autre côté du continent eurasiatique, la jolie promenade qui longe le fleuve Amour, frontière avec la Chine, et c’est aussi l’adresse de sa « fée Clochette », comme il l’appelle, en nous racontant ses amours contrariées puis bénies. On peut difficilement aller plus loin chercher l’aventure, Jacques le cheminot, n’a pas eu peur d’y aller et d’en revenir heureux, comme Ulysse, « plein d’usage et raison, Vivre entre ses parents le reste de son âge ! » (Joachim du Bellay 1522-1560)

Mais je ne vous en dis pas plus : achetez son livre (que j’ai échangé contre une bouteille de sauvignon de Reuilly, mais j’ai été gagnant !)

Contrairement à nous, Patrick Huchet avait de nombreux livres à proposer aux amateurs éclairés, en général édités par Ouest- France, et pas tous sur le pèlerinage de Compostelle qui forme, malgré tout, l’essentiel de sa production.

De beaux livres, illustrés notamment par les magnifiques photographies de son compère, Yvon Boëlle.

Historien de formation, journaliste, c’est sur commande, m’a-t-il avoué, qu’il a commencé à s’intéresser au camino, avant de tomber carrément dedans pour n’en plus quasiment sortir… A l’instar du Tro-Breiz, on ne revient pas des chemins de Saint jacques de Compostelle comme on y est entré !

Mes deux compères marcheurs ont chacun pour ce qui le concerne une expérience spirituelle, j’irai même jusqu’à écrire, théologique, de leur unique voyage sans cesse revécu, en ce sens qu’ils ne peuvent pas s’empêcher de développer sur Dieu un discours qu’ils partagent volontiers et gaiement avec leurs lecteurs.

Et, disons-le, des lecteurs, Patrick en a plus que Jacques et moi, mais tant pis : il n’en n’a pas tiré vaine gloriole et nous ne l’avons pas jalousé pour autant.

C’est lui, d’ailleurs qui a commencé en me faisant spontanément et aimablement l’hommage d’un de ses livres qui, à l’entendre, ne rencontre pas le succès qu’il mériterait : « Au feu les hérétiques, une histoire des hérésies en France au Moyen-Age » Editions Ouest-France, avril 2016, 165 pages, 19,90 €, très opportunément et abondamment illustré.

Il y évoque les deux principales énigmes de la religion chrétienne : la nature du Christ, « fils de Dieu », Homme-créature ou Dieu-incréé ? Un peu des deux ? Dans quelle proportion ? Querelles byzantines, peut-être, mais susceptibles de troubler l’ordre public au point d’obliger les autorités civiles à y mettre un terme en convoquant les premiers conciles œcuméniques, ce seront les 4 fameux conciles «christologiques » des IV° et V° siècle : Nicée en 325, Constantinople en 381, Ephèse en 431 et Chalcédoine en 451.

Réponse en breton : « Jezuz : gwir Doue, gwir den »  vrai Dieu, vrai homme !

L’autre difficulté est relative au salut et au rôle respectif de la grâce et des œuvres : la grâce vient de Dieu qui la distribue à sa guise, les œuvres sont celles des hommes qui en reçoivent la rétribution méritée. Bien sûr, en réalité, il y a un peu des deux, ce que résume la maxime : « aide toi, le ciel t’aidera ! ».

Jacques Huchet, en bon médiéviste qu’il est, nous rappelle la victoire du catholique Clovis sur Alaric, le roi arien des wisigoths, à Vouillé près de Poitiers, en juillet 507 puis le millénarisme et la réforme grégorienne qui s’en est suivi autour de l’an mil et ensuite l’inquisition contre les cathares et les vaudois, les « purs », pour qui les œuvres resteront toujours vaines, la grâce seule compte. Hérésies qui revivront  au-delà du Moyen Age avec la réforme luthérienne puis le jansénisme…

Bien entendu, il n’était pas question pour moi d’être de reste : une bouteille de vin de Reuilly de la SCEV Daniel, lui laissant le choix de la couleur : il a préféré le rouge : le pinot noir !

Ah, il nous a manqué Bernard Rio pour compléter la brochette de viators présents au salon du livre de Riantec ce dimanche ensoleillé du 19 novembre 2017, mais à mon grand regret, il s’était fait porter pâle, arguant d’un « état grippal » qui ne devait pas être surfait. Espérons qu’il s’en soit remis.

Je n’ai quitté mes nouveaux amis que pour le déjeuner proposé par les organisateurs. Là, entre Jean Rio, le poète, artiste-travailleur pour qui les laisses de mots sont comme les laisses de mer : des découvertes à partager entre deux marées et Pierre Livory, qui après avoir construit des bateaux pour naviguer est logiquement devenu écrivain de la mer, embarqué dans l’écriture, nous avons goûté l’excellente cuisine de Jean-Louis, le chef du Ty ar boued mad, la « maison du bon manger », enseigne de son restaurant voisin. Je vous recommande particulièrement ses joues de porc, et pas seulement pour un délicat baiser ; s’il fait l’andouille, ce que j’ignore, il doit y exceller pareillement.

Ah ! J’oubliais : Jacques et moi avons réussi à vendre chacun un livre – et nous sommes gré de la générosité de nos deux courageuses lectrices respectives en espérant qu’elles ne regretteront pas leur mises de fonds, quant à Patrick, comme à l’accoutumée, il a eu de la peine à satisfaire pleinement la foule de ses fans qui se bousculaient devant lui, à telle enseigne qu’il a plié bagages une demi-heure avant la clôture officielle du Salon qu’il honorait pour la 20° fois de sa présence !

Nous nous sommes tous donnés rendez- vous l’année prochaine pour la 30° édition du Salon du Livre de Riantec et je vais suggérer à mon jeune ami Aymeric Gaignault, grand voyageur devant l’Eternel, s’il en est, (« Sac au dos, sur la route des étoiles de la terre » 7 écrit éditions, Paris 2015, 256 pages, 18,90 €) de venir rejoindre notre groupe de viators…

À propos du rédacteur Yves Daniel

Avocat honoraire, il propose des billets allant du culturel au théologique. Le style envolé et sincère d'Yves Daniel donne une dynamique à ses écrits, de Saint Yves au Tro Breiz, en passant par des chroniques ponctuelles.

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2 Commentaires

  1. Si l’on veut être correct avec la langue latine, il faudrait dire « viatores » au pluriel au lieu de « viators » qui est un barbarisme. Je pense que l’avocat que vous êtes a certainement été latiniste dans sa jeunesse.

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