Saints bretons à découvrir

[TRIBUNE LIBRE] Le pardon breton du Vieux-Marché annexé par les « paroles » musulmanes et agnostiques

Amzer-lenn / Temps de lecture : 4 min

de Yann Kerbernez

Ce week-end avait lieu le « pèlerinage islamo-chrétien » du Vieux-Marché, en Plouaret (Diocèse de Saint-Brieuc & Tréguier). Pour rappel, en 1954, Louis Massignon, orientaliste réputé, fait un parallèle entre les sept saints vénérés au Vieux-Marché et les sept dormants d’Ephèse, dans la foulée d’Ernest Renan.

vieux marchéIl est évident pour celui qui se penche sur les origines que cette histoire n’est qu’une imposture. Ar Gedour avait publié un article sur le sujet en 2016. Car les 7 saints du Vieux Marché ne sont pas les sept dormants d’Ephèse, disons-le une bonne fois. « Le pèlerinage dit islamo-chrétien, qui prend ancrage dans [un] conte et non dans la réalité ancestrale de ce lieu sacré du christianisme celtique, n’a donc plus rien à voir avec ses origines » disait l’article.

Que des rencontres entre musulmans et chrétiens puissent avoir lieu – ici ou ailleurs – est essentiel. Mais la question est si importante qu’elle ne mérite pas d’être bradée et d’être assise sur une conception erronée de l’accueil et sur une tromperie qui se fait au dépens de l’héritage véritable, culturel et spirituel. Voilà pourquoi ce billet a été rédigé, sous la forme d’une tribune libre que je laisse à Ar Gedour le soin de publier.

Car tout avait bien débuté, ce samedi :  le colloque était de bon niveau tout à la fois érudit et accessible.

200 auditeurs sagement assis. L’essentiel des interventions était acceptable même si on entendit affirmer que : « Les catholiques pratiquants sont opposés à l’accueil d’étrangers ». Affirmation que récusa Mgr Dubost, le pardonneur, chargé d’une synthèse finale dont le propos fut d’un courage rare chez nos évêques car on l’entendit pondérer les poncifs du « devoir d’accueil » en assumant les questions qui fâchent. Avec élégance et intelligence, il sût exprimer des points d’interrogations et de réserve que trop souvent on traite de manière polémique pour diaboliser ceux qui les tiennent et les condamner à l’ostracisme.

La cérémonie du pardon en la chapelle des sept saints était suivie par une bonne presse.

La liturgie simplifiée du rit Paul VI fut globalement correctement célébrée. La présence de M. Gribowski, chanteur compositeur chrétien, nous gratifia d’un nouveau chant à Marie dont les paroles veillent à convenir aux musulmans comme aux chrétiens. Bientôt Marie ne sera plus « Mère de Dieu » si on n’y veille pas.

La procession vers le Tantad convenait, croix, bannières, statue de la Vierge en avant, le clergé incapable de s’ordonnancer avec rigueur (on a l’habitude), le cantique « ar seiz sent » chanté par la chorale fort correctement.

Le tantad fait partie intégrante de la liturgie des pardons, comme la procession à la fontaine. Le clergé s’y rend en aube, étole et si possible en chape afin de donner bénédiction. Il s’agit bien d’un acte paraliturgique et toute incursion d’un autre culte n’est donc pas licite.  Mais c’était sans compter la créativité hospitalière : tout était bien avant que la solennité du tantad fut entachée par LE, il n’y en avait pas beaucoup d’autres -s’il y en avait- musulman de représentation qui imposa sa parole par une sourate, dite en arabe, puis par un soi-disant poème agnostique. Le clergé fut incapable de préserver cette extension liturgique qu’est le Tantad acceptant cette profanation avec la doucereuse posture des mous.

Aux 7 saints, les habitants de Vieux Marché s’accommodaient de la rencontre islamo-chrétienne que l’on s’obstine à appeler pèlerinage islamo-chrétien avec la complaisance de la hiérarchie diocésaine. Cette appellation, hors de toute rigueur théologique, laisse à croire que le peuple des chrétiens peut se confondre avec l’Oumma (peuple musulman).

Déjà la traditionnelle cérémonie, après la messe dominicale autour de la fontaine où se lit la sourate 18, privait le pardon breton de l’eau, désormais les incursions islamo-agnostiques viennent polluer le Tantad, le feu ; on peut donc dire que toutes ces compromissions nous pompent l’air et que les trois éléments formant la triade source ne sont plus, définitivement souillés par ceux qui en étaient les gardiens.

Ar Gedour est attaché à la pluralité des opinions et de l’expression. Les propos tenus par les auteurs des tribunes libres dans nos colonnes leur appartiennent et n’engagent en rien notre rédaction.

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4 Commentaires

  1. extrait d’un article écrit en 2016, non publié car censuré par la rédaction d’Ar Gedour :
    « Ce qui est commun tant à la sourate 18 qu’à la légende dorée et à la gwerz, c’est l’endormissement, qui a mis les personnages concernés entre parenthèse, comme hors du temps qui a continué à s’écouler sans eux, sans qu’il ait prise sur eux : pendant le temps écoulé, 309 ans pour le Coran (verset 25 de la sourate 18), 196 pour Jacques de Voragine, 17 et 8 fois 20 (=177) selon la strophe 25 de la gwerz (seitec vloas hac eiz-uguent), ils sont restés vivants, sans vieillir ; morts, leur corps n’a pas connu la corruption et ils ont ressuscité, en l’état, à l’issue du temps imparti.
    Dieu sait mieux que personne la durée de leur séjour dans la caverne. A lui appartient l’inconnaissable des cieux et de la terre. Il est le plus clairvoyant, celui qui perçoit le mieux et, à cet égard, ils n’ont aucun autre tuteur que Lui. Il n’associe personne à Sa gouvernance. (Sourate 18, verset 26, traduction Malek Chebel)
    Nous sommes à la fois dans la croyance commune à l’immortalité de l’âme et à la résurrection des corps. Le sujet du colloque de la veille était particulièrement bienvenu : « la prison, éveil ou dormi-tion, une nouvelle chance ?» Tant il est vrai que le temps ne s’écoule pas de la même façon pour le détenu en prison, comme pour le malade à l’hôpital, et pour une personne libre et en bonne santé.
    Voici le texte de la Fatiha, que ni juifs ni chrétiens ne sauraient sérieusement renier, psalmodié en arabe à la suite de la lecture de la sourate 18 :
    Texte en arabe
    Translittération
    Traduction de Muhammad Hamidullah

    1 بسم الله الرحمن الرحيم Bismillah ar-rahman ar-rahim Au nom d’Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux.
    2 الحمد لله رب العالمين Al Hamdulillahi rabbi-l-`alamin Louange à Allah, Seigneur de l’univers.
    3 الرحمن الرحيم Ar-rahman ar-rahim Le Tout Miséricordieux, le Très Miséri-cordieux,
    4 ملك يوم الدين Maliki yawm ad-din Maître du Jour de la rétribution.

    5 اياك نعبد واياك نستعين Iyaka na`budu wa iyaka nas-ta`in C’est Toi [Seul] que nous adorons, et c’est Toi [Seul] dont nous implorons secours.
    6 اهدنا الصراط المستقيم Ihdina as-sirat al-mustaqim Guide-nous dans le droit chemin,
    7 صراط الذين انعمت عليهم غير المغضوب عليهم ولا الضالين Sirat al-ladhina an`amta alay-him ghayri al-maghđubi alayhim wa la ad-dalin Le chemin de ceux que Tu as comblés de faveurs, non pas de ceux qui ont en-couru Ta colère, ni des égarés.

    En effet, il est fait appel à Dieu, juge et miséricordieux, celui du jugement dernier que, chrétien à la suite de l’adresse de Saint Paul aux corinthiens (1Co 1, 4 à 9), je prie avec mes frères juifs et musul-mans, me rappelant la réponse faite par le scribe à Jésus qui l’en a félicité, ainsi que le rapporte Marc : « fort bien, Maître, tu as eu raison de dire qu’Il est unique et qu’il y en a pas d’autre que lui » (Mc 12, 32), après que Jésus, interrogé sur ce point, ait rappelé que le premier commandement est : « écoute Israël, le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur… », actualisant ainsi par ses paroles l’ancien testament (Dt 6, 4) qu’il est venu accomplir.
    « Ephata, ouvres toi », c’est ainsi que Jésus guérit le sourd-bègue (Mc 7, 31-37) ; les musulmans commencent leurs prières en portant la paume de leurs mains à leurs oreilles, en cornet, comme pour mieux entendre le texte de la fatiha qu’ils récitent par cœur et concluent par un vigoureux « amen » !
    Ah ! Qui sont les « égarés » du dernier verset de la 1° sourate ? Tous ceux qui se sentent visés ! Les paranos et tous ceux, chrétiens, juifs ou musulmans, qui ont bien conscience de n’être pas tout à fait sur le « droit chemin », la voie droite, celle de la conduite morale, vers le vrai, le beau, le bon. Mais qu’ils se rassurent, c’est à la brebis égarée que va la sollicitude du berger…
    Dieu ne peut pas être à la fois miséricordieux (versets 1 et 3) et laisser s’égarer (verset 7, in fine) ceux qui implorent son aide (verset 5, in fine)
    Attention : la récitation de la fatiha ne fait pas de moi un musulman, la fatiha n’est pas la shahada qui est la profession de foi musulmane (« j’atteste qu’il n’y a pas d’autre Dieu que Dieu et que Mohammed est son prophète »).
    L’assimilation de la sourate des gens de la caverne à la légende des dormants d’Ephèse et au culte rendu sur les hauteurs de la vallée du Léguer est sans doute « capillotractée » – tiré par les cheveux – comme disent les savants, à cet égard, je vous laisse le soin de prendre connaissance sur internet de l’abondante littérature sur le sujet.
    Ce qui est certain c’est qu’il s’y rend là, depuis la préhistoire, un très vieux culte chtonien ainsi qu’en témoigne le dolmen sur lequel est bâti le transept droit de la chapelle au-dessus duquel je me trouvai donc.
    Culte tellurique qu’il a fallu christianiser d’une façon élégante et crédible : c’est ce que racontent les strophes de la gwerz que nous avons chanté : la chapelle des 7 saints où nous prions a été bâtie « sans chaux ni argile, ni maçon, ni couvreur ni charpentier » ; elle est faite de 6 pierres, 4 pour les murs, 2 pour le toit : ce ne peut être que l’œuvre du Dieu tout puissant lui-même, au moment de la création du monde !
    Diou all a zo en dôen, piou’ta ne gredfe ket
    Eo Doue holl C’halloudek en deus anei savet.

    Culte druidique, chrétien, musulman, quand je vous dis que la terre de Bretagne est sacrée, c’est qu’il est plus facile que partout ailleurs de s’y trouver sur les chemins de la sainteté ! »

    • J’ai lu avec intérêt cette tribune et la réaction de Daniel.
      Dire de bonnes choses ne peut-être récusé, c’est le verni de la bénédiction. Mais cela ne doit pas se faire au détriment de la Vérité sous peine de n’être que flagornerie digne de la taqiya. Il est probable que l’enfer soit pavé de bonnes intentions et l’enjeu du dialogue en vérité doit être relevé avec courage car la Vérité a un coût. Jésus nous a enseigné qu’il est « le chemin, la vérité, la vie » (Jn11,17-27), il n’a pas dit qu’il était un chemin possible, égale à d’autres. Cette certitude suppose-t-elle qu’il n’y ait rien d’acceptable dans les autres sagesses ou religions ? Non et le concile Vatican II l’a dit justement dans la déclaration « Nostra Aetate ». Mais aucune ne peut rien ajouter à l’enseignement, ni à l’oeuvre de Salut apporté par le sacrifice du Christ.
      C’est pourquoi, me semble-t-il, le dialogue du chrétien avec l’autre croyant peut se faire selon le principe suivant : Ce qui est vrai dans les traditions, sagesses et autres religions prédispose à rencontrer le Christ car rien ne peut être équivalent ou complémentaire au salut qu’il nous a apporté.

  2. Une petite précision qui s’impose à nos lecteurs, maintenant que tu as exposé justement l’un des passage de l’article qui posait problème, et la mention de la censure (et comme tu le vois, nous laissons ici ton commentaire) : comme je te l’ai dit, le souci n’est pas le compte-rendu en soi (un compte-rendu comme tu les fais si bien habituellement aurait été publié) mais le fait que s’y trouvait une « approche exégétique islamo-chrétienne » qui ne pouvait être exposée en l’état. Je respecte ta vision et ton approche, et si je suis bien évidemment d’accord avec toi sur la nécessité de se connaître et voir comment dialoguer, je ne suis pas d’accord avec cette lecture des versets du Coran à la lumière de l’Evangile, ici sur la question des égarés « que ni juifs ni chrétiens ne sauraient sérieusement renier » puisque ce terme d’égarés renvoie à d’autres passages du Coran, y compris dans la sourate 18 lue au Vieux-Marché. Une lecture qui ne tient pas compte des commentaires traditionnels musulmans et des occurrences avec d’autres versets et sourates.
    Plusieurs lecteurs d’Ar Gedour sont musulmans. L’un d’entre eux opte pour une interprétation moderne qui diverge partiellement de la tradition d’interprétation de l’Islam, mais de manière générale, ce n’est pas le cas.

    Pour nos lecteurs, précisons que comme nous essayons d’être objectifs et que nous sommes loin de tout connaître du sujet, nous avions sollicité l’avis de plusieurs spécialistes avant publication. L’un des trois spécialistes disait, je te le rappelle, qu’il trouvait ta proposition de faire le lien avec les « brebis égarées » de la tradition biblique pertinente, encore eût-il fallu la démontrer par un travail exégétique. Il précisait d’ailleurs que les liens du texte du coran avec la tradition chrétienne en général et syriaque en particulier sont incontestables, et que les travaux à ce sujet ne manquent pas. Mais en même temps, disait-il lui aussi, nous ne pouvons pas faire l’économie des commentaires musulmans traditionnels de cette sourate. Certes, pour avancer, il faut trouver les éléments de rapprochement, mais cela ne peut se faire qu’au prix d’un dialogue en vérité.

    Il en est de même en ce qui concerne les questions druidiques, chrétiennes et musulmanes : ton approche – certainement sincère, et je ne remets pas cela en cause – souligne un sujet non moins important sur les chemins de sainteté : en se référant à la tradition du druidisme, nous pouvons affirmer que le druidisme bien compris ne peut qu’amener au christianisme et il existe en lui des semences du Verbe (selon les termes de St Justin repris par le Concile Vatican II). C’est ainsi, et n’en déplaise à nos amis berçant dans le néo-druidisme, que le christianisme a si bien pris dans nos contrées. Pour autant, le christianisme bien compris ne peut mener à l’Islam, malgré ce qu’en dit un de mes confrères musulman. Ou alors cela signifierait donc la remise en question de la parole du Christ « Je suis LE chemin, LA vérité et LA vie » (Jn 14,6). Je te renvoie ici au commentaire laissé par Gwendal.

    Maintenant, la question qui se pose est : l’Islam peut-il mener au christianisme ?
    Au vu de nombreuses conversions, y compris dans notre secteur, l’affirmative est de rigueur. Encore faut-il que les musulmans puissent échanger avec des chrétiens qui connaissent bien les fondamentaux du christianisme, dépourvus de toute idéologie. Car tu as tout à fait raison quand tu dis qu’il faut une bonne connaissance de l’Islam et du Coran, comme de notre propre religion. Ce n’est malheureusement pas le cas de tout le monde. Les musulmans avec qui j’échange, pour la plupart, connaissent très bien leur religion. C’est pourquoi à mon humble avis, avant de former les cathos à la connaissance de l’Islam (voire de leur livrer des rapprochements qui risquent de les embrouiller par un certain relativisme) il est absolument nécessaire de leur redonner les bases du christianisme et en particulier du catholicisme, bases qu’ils ont perdu. Cela donnerait une base saine permettant ensuite de dialoguer en vérité avec les autres religions, en évitant un syncrétisme qui ne respecte en fin de compte ni le christianisme, ni les autres religions.

  3. bien pris note des commentaires et gloire au rédac’chef !

    voici ma réponse :

    https://www.argedour.bzh/un-ancien-eleve-de-kerlois-pres-dhennebont-andre-demeersman-pere-blanc/

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