Education populaire bretonne : courage ou dévouement ?

Amzer-lenn / Temps de lecture : 5 min

pardon bretonEn juillet 1951, le bulletin mensuel Bro Guened faisait ce constat : 

“Les fêtes du Bleun Brug s’annoncent splendides. Un grand effort a été fourni par les organisateurs et les membres des divers comités… Mais, dans le pays, a-t-on profité de toutes les possibilités offertes, pour faire ce travail d’éducation populaire et de culture bretonne dont le Bleun Brug veut être l’âme ? Certes, de beaux efforts ont été faits, qui méritent dès maintenant félicitations et encouragements. […]

Nous avons eu aussi des échos des objections élevées par certains maîtres contre les deux petits chants bretons que l’on devait faire apprendre aux enfants des écoles. Quelle tristesse – ou quelle misère – d’avoir à plaider pour ce qui est manifestement conforme à l’intérêt des enfants ou des jeunes gens, même ceux des villes, puisque ce travail, qui peut être fait en moins de deux heures, leur permet un minimum de contact avec le pays où ils vivent. 

[…]

Puisque ce petit minimum aurait l’immense avantage de faire que nos petits bretons ne seraient pas des étrangers sur le sol de leurs ancêtres, puisqu’il leur donnerait un peu conscience de ce qu’ils sont et de leurs richesses propres, puisque cela ferait croître l’union entre les hommes de chez nous… ! Est ce le courage qui manque ? ou le dévouement ? ou autre chose ?…”

 

Ce texte semble si actuel. En Bretagne ne manquent pas les festivals, événements culturels et pardons. Pourtant, un manque existe sur ce travail d’éducation populaire et de culture bretonne. Notamment pour les raisons évoquées ci-dessus. Qui connaît aujourd’hui l’histoire de Bretagne dans nos cercles celtiques et bagadoù ? Qui chez nos enfants connaît l’histoire du saint de son quartier ? Qui connaît encore nos cantiques parmi les nouvelles générations ? Or, c’est aussi de ces questions que dépend l’avenir de nos pardons, de nos paroisses… et des générations futures.  

Le Diocèse de Vannes a vu récemment un événement rassemblant 600 enfants des écoles catholiques bilingues, travaillant autour de l’histoire et les cantiques des saints locaux. C’est un travail important qui a été initié pour que ce projet puisse voir le jour, et dont les instituteurs sont une des principales chevilles ouvrières. Mais ce n’est pas encore assez : les paroisses se doivent de travailler en ce sens, les comités de chapelles aussi. Sans oublier les programmateurs de festivals. L’église catholique en Bretagne devrait sans nul doute montrer l’exemple et être précurseur en la matière, prenant en compte cette “prise de conscience” bretonne et remettant Dieu au centre de celle-ci. 

Récemment, un séminariste -qui n’est pas issu du milieu bretonnant- nous témoignait qu’il se demandait ce que cherchaient les bretonnants en souhaitant que l’on prenne en compte la culture bretonne dans la vie de l’Eglise en Bretagne. Après un échange avec l’un de nos collaborateurs, il en a enfin appréhendé l’importance, découvrant tout un aspect qu’il ignorait, que nous mettons régulièrement en avant sur Ar Gedour dans notre rubrique “Inculturation”. Il n’est pas le seul dans ce cas. Il y a donc un grand travail à faire. 

 

Des idées (parmi d’autres) ?

– Le Kan ar Bobl remporte un succès non négligeable. Et si des concours locaux de ce type voyaient le jour dans chaque pardon, avant une grande finale lors d’un pardon dédié ? 

– Ce serait aussi l’occasion d’inviter les écoles à participer activement aux pardons en apprenant aux élèves les cantiques des saints (et la catéchèse qui va avec). Pour les motiver, une partie de la quête, habituellement dédiée à la restauration de la chapelle, pourrait être reversée pour des actions chrétiennes et bretonnantes dans ces écoles. Se baser sur les nouvelles générations est essentiel ! 

– Les concours de boules et le rost-er-forn, c’est bien. Mais programmons aussi (en plus, pas à la place) des expositions temporaires remettant en valeur ce patrimoine et cette histoire de Bretagne, y compris spirituelle. Le travail de Sainte Anne d’Auray sur les pardons est un exemple de ce qui peut être fait, mais même une exposition plus petite peut apporter beaucoup, pour les comités qui n’auraient pas forcément les moyens financiers ou logistiques. 

– Il est essentiel que les équipes d’organisation mettent un point d’honneur à proposer une messe et une procession incluant des cantiques en bretons, anciens comme nouveaux. Plusieurs personnes travaillent actuellement à des traductions de cantiques français en breton (par exemple : la litanie des saints, alleluia irlandais, debout resplendis, gloria de lourdes, kyrie…). Il ne pourra donc plus être question de ” nous ne connaissons pas ce chant”. Restera encore la question de la prononciation, mais là encore, nous travaillons sur des outils comme Kan Iliz permettant même à un animateur non bretonnant de s’approprier les cantiques. 

– Il faut aussi que la liturgie tienne la route et soit conforme à ce que demande l’Eglise. Pour ce faire, une pédagogie auprès des personnes de bonne volonté est nécessaire. Il peut aussi être intéressant de faire appel à un groupe aidera ponctuellement en ce sens.  (Notez que les rubriques “Les astuces du Sacristain / Kavadennoù ar sakrist” et “Liturgie” peuvent déjà vous donner des pistes). 

… et bien d’autres idées que nous vous faisons découvrir au fil du temps. 

De nombreux services diocésains et associations, ou encore AR GEDOUR, peuvent vous aider à mettre cela en place. Persuadés que le dévouement est là, il faut juste un peu de courage pour s’atteler à la tâche. Alors… allons-y… ensemble ! 

 

EC 

À propos du rédacteur Eflamm Caouissin

Marié et père de 5 enfants, Eflamm Caouissin est impliqué dans la vie du diocèse de Vannes au niveau de la Pastorale du breton. Tout en approfondissant son bagage théologique par plusieurs années d’études, il s’est mis au service de l’Eglise en devenant aumônier. Il est le fondateur du site et de l'association Ar Gedour et assure la fonction bénévole de directeur de publication. Il anime aussi le site Kan Iliz (promotion du cantique breton). Après avoir co-écrit dans le roman Havana Café, il a publié en 2022 son premier roman "CANNTAIREACHD".

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Un commentaire

  1. Très bon article.

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