Comme elle a changé, la Bretagne qui a vu naître Pierre-Yves Le Priol, en plein milieu de l’autre siècle ! Dans cette région de France qu’on qualifiait alors de « bastion de chrétienté », la pratique dominicale était l’une des plus élevées de l’Hexagone et l’on se défi nissait sans complexe comme « catholiques et Bretons toujours ». Messes, pèlerinages et pardons rythmaient le cours des existences. Aujourd’hui, si l’on y admire toujours enclos paroissiaux et calvaires, croix et fontaines sacrées, ossuaires et chapelles, nombreux sont les Bretons qui se sont éloignés de la « foi des pères ». Les traditions laissent place à des habitudes et des mentalités nouvelles. Dans cette enquête sensible, qui est aussi un voyage personnel, Pierre-Yves Le Priol est allé à la rencontre de cette Bretagne d’aujourd’hui. Riche de lieux visités, de visages croisés, de dialogues noués, son livre plonge au plus profond de nos campagnes et interroge sur cette intrigante « fi n de chrétienté ». Est-elle révélatrice d’une évolution plus large et qui nous concerne tous ? Faut-il partager la nostalgie de certains face au passé ou aux occasions ratées ? L’histoire aurait-elle pu être différente ? Peut-on redonner une âme à nos églises devenues trop grandes ? Car le catholicisme n’a sans doute pas dit son dernier mot en Bretagne.
« La foi de mes pères… ce qui restera de la chrétienté bretonne » : voici le titre ô combien évocateur du dernier ouvrage de Pierre-Yves Le Priol. Ce dernier, journaliste à La Croix pendant de nombreuses années, laisse percer une inquiétude dans cet ouvrage : la crainte de la disparition du christianisme au pays des Pardons et des calvaires où le christianisme avait la particularité de se vivre et de se transmettre dans une quasi-exclusivité. Cette enquête au cœur de l’ancienne chrétienté bretonne traduit une interrogation profonde sur l’avenir de la Foi et de l’Eglise dans les campagnes d’une France qui a changé. Mais cet hommage au catholicisme armoricain est aussi un appel à l’Espérance et à l’engagement pour que la Bretagne devienne le laboratoire de l’avenir du christianisme en France.
Il y a plus d’un an, Pierre-Yves Le Priol m’a contacté en me présentant son idée de livre, et m’a interrogé, comme bien d’autres au fil de ses pérégrinations. Nous nous sommes croisés à plusieurs reprises lors de pardons ou de messes en breton, comme par exemple à la messe de Noël de Pontivy. Aujourd’hui, le livre vient de sortir, aux Editions Salvator, et nous ne pouvons qu’applaudir que des éditeurs hexagonaux puissent diffuser ce qui pourrait au final n’intéresser qu’un certain microcosme. Mais le sujet, même s’il doit interpeller les Bretons (et pas seulement les catholiques), peut et doit provoquer un certain intérêt.
D’une belle plume, enthousiaste et énergique, nostalgique et bien présente, l’auteur brosse un tableau de ce qui fit la Bretagne, de ce que fut l’Armorique chrétienne, celle de son père et de ses aïeux, celle de ses pères. Une Bretagne dont la foi enracinée a modelé l’identité, offrant une réelle symphonie avec la création.
C’est par la mort de son père et ses funérailles que Pierre-Yves débute son ouvrage, et ce dernier se délie au fil des pages comme un héritage couché sur le papier, un héritage à sauver, un héritage à fructifier, une malle aux souvenirs que l’on ouvre et qui ne cesse de livrer son lot de richesses.
Un héritage… Non un bagage encombrant qu’on devrait protéger et muséifier, un patrimoine à faire reconnaître avant de le laisser disparaître, mais un condensé de foi et de culture à partager au monde, car là se trouve peut-être l’avenir du christianisme. « Oui, ce qui est raconté là est vrai, tout ceci a vraiment existé et mérite d’être écrit » disait Calloc’h, repris par l’auteur, livrant ainsi un témoignage fort allant à la suite d’autres ouvrages récemment publiés et que nous relayons.
Alors que Noël approche, nous ne pouvons que mettre en exergue un passage qui relate la messe de Noël en breton célébrée l’an passée à Pontivy. C’est fou comme les messes de Noël inspirent en Bretagne. Surtout quand la liturgie tient compte de la richesse du répertoire musical breton, comme l’a souligné récemment le Cardinal Sarah, préfet de la Congrégation pour le Culte divin. Avec émotion, nous revivons la cérémonie avec l’auteur, une messe qui avait été retransmise par Ar Gedour. Il conclut :
[…] Je retourne vers les miens et le réveillon qui nous attend. Je scrute cette belle nuit de Noël. La preuve que le ciel est habité, c’est que les étoiles sont éclairées et qu’il y a de la lumière ce soir sur la lune. Il ne manque que la neige qui crissait autrefois, au temps de vrais hivers sous nos pas d’enfants émerveillés. Erh dé nendeleg / E dal ur hardel d’en éd (neige à Noël vaut fumage pour le blé). Non, une langue n’est pas seulement le vêtement d’une idée, ou d’une réalité vécue, c’est une façon de les aborder et de se rendre présent au monde. Je place sur le lecteur CD de ma voiture un enreigstrement des Kaloneù Derv Bro Pondi qui viennent de nous charmer. J’y sélectionne un chant de Noël que nous n’avons pas entonné car ils sont si nombreux : E kreiz en noz didrous (au milieu de la nuit silencieuse). Le qualificatif de didrous (sans bruit, littéralement « débruitisé ») veut dire bien plus que silencieux : calme, paisible, protégé, retiré du monde, ignoré des foules. N’est-ce pas dans ce mot que se niche, au plus juste, le secret d’une nuit comme celle-ci ? [… ]
A la suite de Xavier Grall
Xavier Grall, dans « L’inconnu me dévore » offre en quelques pages un témoignage de résurrection d’une expressivité telle qu’il serait dommage de passer à côté. Car c’est beau, tout simplement. C’est vrai. Et parce que c’est beau et c’est vrai, la lecture de l’inconnu vous dévore. Il vous prend aux tripes mais se vit comme une bouffée d’air pur, un oxygène qui vous revigore sur le chemin de Damas que chacun peut vivre. Alors que l’ouvrage a été récemment réédité, j’en disais que, loin d’une posture de théologien ou de moraliste, Grall se fait dans cet ouvrage chantre de la miséricorde et témoin. Dans la lignée de Brizeux (Supplique aux prêtres de Bretagne), d’Anjela Duval ou de Calloc’h, le poète dit ses blessures et ses attentes, se poste comme une sentinelle et un lanceur d’alerte. Il est le guetteur du matin debout sur sa terre bretonne. L’inconnu le dévore, mais on perçoit dans les décombres et la noirceur des cendres qu’il nous narre les braises qui couvent et pourraient enflammer à nouveau les coeurs. Les pardons sont au passé mais celui qui sait lire peut voir derrière une liturgie inculturée une occasion inespérée d’évangélisation. Celui qui sait lire peut voir derrière la pastorale des funérailles un authentique chemin de renouveau. Celui qui sait lire peut voir qu’au-delà des mots, c’est l’âme de Bretagne qui se dévoile et ne demande qu’à se déployer.
Pierre-Yves Le Priol nous offre ici un opus qui se place à la suite de Grall.
Tremen’ra pep tra
Comme dans l’Inconnu me dévore, certains verront certainement au gré des chapitres ces heures de gloire d’une chrétienté passée, de ces magnifiques offices aujourd’hui délaissés, de ces dévotions populaires méprisées, démontrant que le temps passe comme une ombre et peut-être offre un avenir sombre. Les rencontres diverses qui émaillent les lignes pourront être comme la découverte de ces derniers Mohicans qui tentent de sauver ce qui peut encore l’être, criant dans le désert au peu d’écho.
Il était une foi, dit l’écrivain en titre d’un chapitre. Il sera une foi, pourrions-nous ajouter à la fin de notre lecture.
Car il y a une foi profonde et une espérance certaine dans ce recueil. La même foi et la même espérance animant les équipes d’Ar Gedour et de Kan Iliz, qui ont eu la surprise et la joie de se voir citées à la page 113 : « … petit frémissement de joie à la pensée que les nouvelles technologies arrivent à notre secours, que la relève en hommes est là et que ma génération ne sera pas la dernière à s’intéresser à tout cela ». Cette foi, c’est celle que l’ami breton Le Priol nous livre sans pudeur, la foi de ses pères, celle de chacun de nos aïeux qui lentement tombe dans l’oubli autant que croît le lierre envahissant nos chapelles. Mais d’autres y verront bien plus et liront entre ces lignes. Par-delà les funérailles et l’infinie tristesse de la perte d’un être cher et d’une Bretagne chrétienne qui semble lentement disparaître avec nos aïeux, nous découvrons au fil des pages, de pardons en pardons, de rencontres en témoignages, des semences d’espérance, de ces grains placés en terre qui meurent pour porter du fruit.
Et pour couronner le tout, la langue bretonne (et le latin aussi) est bien présente, rythmant les phrases par des incises judicieusement choisies et donnant ce supplément d’âme à un témoignage profond que vous devriez apprécier. En cadeau pour vous ET pour votre entourage, cet ouvrage préfacé par Jean-Claude Guillebaud sera apprécié. N’attendez pas 2019 pour le commander, mais offrez-le pour Noël !
Deux présentations de l’ouvrage (avec diaporama) par l’auteur sont d’ores et déjà prévues en Bretagne avant Noël, le samedi 22 décembre :
– A 11H à la salle du Quatro, 3 avenue Jean Moulin, à Baud (56)
– A 16H à la Vallée des saints, à Carnoët (22).
Détails sur le produit
- Broché: 294 pages
- Editeur : SALVATOR (29 novembre 2018)
- Langue : Français
- ISBN-10: 2706717025
- ISBN-13: 978-2706717024
- Prix : 20€
Merci Efflamm pour cette longue présentation de la Foi de nos pères. Je souhaite que ce livre réveille
la foi des Bretons d’aujourd’hui.
C’est le livre qui parle au cœur autant et plus qu’à l’esprit et qui de ce fait retentit en profondeur.
Merci et bien sûr merci à Pierre-Yves qui pour l’écrire à fait un Tro Breizh de plusieurs mois.