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Le célibat sacerdotal selon Benoît XVI dans « des profondeurs de nos cœurs »

Amzer-lenn / Temps de lecture : 11 min

Dans l’article précédent, nous avons parcouru la pensée de Benoît XVI sur les fondements du Sacerdoce catholique. Le point-clé en était la validité de la lecture dite « allégorique » pratiquée très tôt dans l’Eglise, comme lecture « christologico-pneumatologique » des réalités de la première Alliance. Appliquée au Sacerdoce, le « pape-théologien » retient comme juste le passage de la notion de grand prêtre dans la 1ère Alliance, à celle d’évêque, puis de prêtre aux prêtres de l’Eglise, et des lévites au diaconat. Le pape émérite reconnaît d’ailleurs humblement qu’il a dans le passé, avant d’être pape, présenté le prêtre surtout comme l’homme de la parole de Dieu, alors qu’en fait le prêtre est bel et bien aussi, et d’abord, l’homme du culte.

 

La question des vocations

A partir de là, le pape émérite passe à deux conditions essentielles du Sacerdoce de la nouvelle Alliance, conditions qui se rejoignent. La première est le passage d’un sacerdoce assigné de façon exclusive par disposition explicite de la loi mosaïque à la tribu de Lévi, à un sacerdoce lié plus directement à un appel de Dieu. Il n’y a donc plus de transmission familiale du Sacerdoce. A ce sujet Benoît XVI fait retentir l’appel évangélique à prier le Maître de la moisson (Mt 9, 38). Le raisonnement du pape émérite est remarquable : au fond, c’est toujours Dieu qui appelle, car toute postérité dépend de Lui en définitive. Mais avec le Sacerdoce du culte nouveau et définitif, l’appel de Dieu demande une réponse libre par celui qui est appelé. Voilà le lieu spirituel où se situe l’appel évangélique cité plus haut, le lieu de la question des vocations.

 

Le célibat dans l’histoire

La seconde est le passage au célibat, question qui va nous occuper maintenant. Ici s’applique de façon concrète le passage du premier au second culte. Dans la première Alliance, la tribu de Lévi, la tribu sacerdotale, ne s’est vue attribué aucun territoire en Israël. Cela était voulu au moment de l’arrivée en terre promise, et les prêtres lévitiques dépendaient du culte et des dons des autres hébreux pour vivre. En outre, en dépit du fait que  l’on n’arrive pas à en déterminer  exactement la provenance, les prêtres devaient pratiquer une période de continence avant d’officier pour le culte. Par ces deux dispositions, on voit bien que le service de Dieu demande un engagement total, de tous les aspects de la vie. Le deuxième aspect continua d’être pratiqué dans le culte chrétien. Et c’est là que se produisit un changement assez radical : rapidement – affirme Benoît XVI – les chrétiens ont comme reconnu le pain Eucharistique dans la 4ème  demande du Notre Père (cf. CEC 2835).  Le développement des pratiques conduisit rapidement à la célébration quotidienne de la Messe, car le pain  quotidien s’entend également de l’Eucharistie. Par le fait même, expose Benoît XVI, les prêtres voyaient leur vie totalement changée : exclusivement au service de Dieu, leur vie se devait de Lui être totalement consacrée et exclure de ce fait le mariage. La suite nous est familière : dans une vue d’ensemble, disons que l’on passa d’un mariage où les époux vivaient comme frères et sœurs, au célibat des prêtres.

Nous sommes comme « remontés » aux origines du célibat, dans ses aspects historiques comme dans ses motivations plus profondes, et nous constatons qu’il y a ainsi une sorte de connexion entre des contingences de l’histoire et des raisons spirituelles plus déterminantes en soi.

Le pas capital de Benoît XVI.

Mais il y a beaucoup plus. En donnant ainsi les fondements du célibat, le pape émérite fait faire un pas très important à la théologie : « On peut dire que l’abstinence sexuelle qui était fonctionnelle s’est transformée en une abstinence ontologique. Ainsi, sa motivation et sa signification étaient changées de l’intérieur et en profondeur. »

 

Dogme ou discipline ?

Depuis des décennies, on a coutume de dire que si le sacerdoce relève du dogme, le célibat relève de discipline ecclésiastique. Précisons que cela ne dévalue en rien la discipline ecclésiastique qui recouvre beaucoup de réalités dans notre vie chrétienne (comme par exemple le fait de faire des sacrifices le vendredi), est donc respectable et ne signifie aucunement le droit d’y toucher selon nos envies ; de plus, l’Eglise peut être amenée à comprendre qu’une pratique disciplinaire peut toucher de près à la Foi ou à la morale. Toutefois, seul le dogme est à proprement parler immuable et intouchable, puisqu’il est de Foi. En outre, étant donné que la pratique orientale est différente, on pourrait penser qu’il deviendrait trop délicat de creuser le fossé. A ce sujet, rappelons quelques traits de la pratique orientale : les prêtres ne se marient pas à proprement parler, mais il est légitime d’ordonner des hommes mariés ; les évêques en revanche doivent être célibataires, ce qui conduit à les choisir fréquemment chez les moines ; enfin, du côté des futures épouses de prêtres, il existe une formation spirituelle et pratique à cet effet.

Benoît XVI renverse totalement ces perspectives, il ne rentre pas dans cette sorte de casuistique, il situe le célibat à un niveau très profond : celui d’un don total de soi au Seigneur, don qui est requis par son service exclusif et qui est manifesté dans la Parole de Dieu elle-même. Ainsi, il redonne les fondements profonds du célibat des prêtres, qui vient non plus d’une noble discipline, mais de Dieu au travers de sa Parole et de la pratique de l’Eglise. Situé sur ce terrain, le prêtre est appelé à vraiment tourner sa vie vers le haut, vers Dieu source et achèvement de son don total. Sursum corda !

 

« Abstinence ontologique », qu’est-ce à dire ?

L’expression est forte : « abstinence ontologique ». Essayons d’en assimiler la profondeur.

 

Le célibat est autre chose que l’abstinence

Il y a d’abord que « d’abstinence », on passe à « célibat »,  et c’est sans aucun doute ici qu’il faut situer le terme ontologique. En clair, abstinence ontologique est un équivalent pour célibat, tout en marquant son origine et sa transformation.

 

Du rite à l’esprit du Sacerdoce

Ensuite, « ontologique » implique clairement que le lien avec le sacerdoce n’est désormais plus d’ordre rituel, mais se rattache à la nature même du Sacerdoce. C’est ici que se situe l’apport déterminant de la contribution de Benoit XVI. Le célibat appartient donc à la nature même du sacerdoce, il est requis par le sacerdoce en même temps qu’il trouve sa finalité et sa force dans le Sacerdoce.

Si l’on veut aller un peu plus loin encore, nous pouvons affirmer qu’elle participe de ce passage de la lettre à l’esprit, en même temps (Benoît XVI ne le dit pas explicitement), qu’elle contribue à ce que le Sacerdoce entre aussi dans l’esprit. Le célibat permet donc aussi (il n’est pas le seul) à ce que le prêtre entre dans l’esprit du sacerdoce, dans l’esprit de Jésus grand prêtre. L’apport du célibat peut sans doute être qualifié de « décisif » parce qu’il concerne toute l’existence dans sa globalité et dans sa substantifique moelle. Par là le célibat façonne la vie sacerdotale  de façon à ce qu’elle soit comme « possédée » exclusivement par Notre Seigneur. « …toutefois, l’état conjugal concerne l’homme dans sa totalité, or le service du Seigneur exigeant également le don total de l’homme, il ne semble pas possible de réaliser simultanément les deux vocations. ». Arrêtons-nous encore : du temps de la première Alliance, il existait bien déjà une forme de service exclusif des prêtres, en raison du fait que la tribu de Lévi n’avait pas de terre. Mais avec le célibat, nous passons à un approfondissement plus fort, plus large, plus total, exigeant une intériorisation et un don de soi qui prennent leur source et connaissent leur finalité en Jésus, époux de l’Eglise.

 

Le pas extraordinaire de Benoît XVI

Mais il y a plus : dans une perspective élargie, le pas théologique du pape émérite engage encore plus loin. En effet, au regard de tout ce qui précède, avec la mise au jour renouvelée des racines du célibat sacerdotal, nous nous apercevons bien que le cadre de pensée habituel relatif à la question du célibat sacerdotal implose de lui-même. Cette mise au jour fait réapparaître dans sa fraîcheur toute la force novatrice de l’Evangile, force dans laquelle le péché est vaincu et descend vers son vieillissement qui devient inéluctable.

Au regard de cela, le cadre « classique » peut apparaître comme le résultat de l’influence d’une sorte de Foi devenue progressivement inopérante, comme sclérosée dans les cœurs, vieillie par l’habitude ou par une théologie, une pensée sous-jacentes par trop sécularisées. La Foi des croyants elle-même doit connaître un « renouveau dans la continuité » pour percevoir à nouveau la force de l’Evangile dans sa sève vigoureuse, tonifiante et vivifiante, et la faire passer dans nos vies aujourd’hui.

 

Le lien avec l’Eucharistie

La contribution de Benoit XVI laisse entendre que le lien avec l’Eucharistie doit être souligné : de même que par la transsubstantiation les substances du pain et du vin sont transformés en la substance du corps et du sang de Notre Seigneur, ainsi l’existence du prêtre doit-elle être transformée, et le célibat y joue un rôle de premier plan.  L’Eucharistie requiert donc un don total de soi (notamment à travers le célibat) en même temps qu’elle donne la force de le réaliser. Par le célibat le prêtre conforme sa vie à ce qu’il célèbre et devient alors gardien d’un mystère extraordinaire : celui de la communion très intime avec Dieu et de l’édification de l’Eglise. Si le célibat n’est pas le seul à y contribuer, à coup sûr nous pouvons affirmer qu’il y contribue de façon décisive.

 

En guise de conclusion…

Bien d’autres approfondissements seraient à faire sur et à partir de ce texte dense. Nous pouvons remercier le pape émérite de son apport, dont chacun pourra apprécier l’importance au niveau théologique, comme aussi sa finesse et sa profondeur spirituelle. Rien ne peut remplacer la lecture d’un texte quel qu’il soit ; espérons que sa lecture aidera les prêtres à vivre de mieux en mieux leur sacerdoce, et qu’ils en suscitent ainsi le désir autour d’eux. Dans ce grand corps qu’est l’Eglise, la prière de tous est aussi nécessaire pour que chacun réalise sa vocation.

Pour alimenter la prière, le pape émérite gratifie ensuite l’Eglise de méditations sur trois textes, pour ainsi nourrir l’âme des prêtres…mais aussi des personnes consacrées, et de tout le monde. Les présenter sera peut-être l’occasion d’articles à venir ; pour le moment, nous dirons seulement que Benoit XVI y donne des points importants d’une spiritualité sacerdotale. Dans le contexte actuel, ce n’est pas forcément superfétatoire, et c’est sans aucun doute bien intentionnellement que Benoît XVI nous les laisse.

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À propos du rédacteur Frère Edouard Domini

Frère Edouard, religieux et prêtre de la Famille Missionnaire de Notre Dame. Originaire de Bretagne, il est actuellement en mission dans le foyer de Lyon, pour l'apostolat de sa communauté.

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