Le Renouveau de la culture bretonne…

Amzer-lenn / Temps de lecture : 20 min

… un défi pour l’Eglise !!!

 Voici ici une copie de la lettre pastorale de Mgr Gourvès, évèque émérite de Vannes, écrite en 2003. Elle est encore et toujours d’actualité, et nous en reparlerons ici même au fil du temps. Cette lettre a été rééditée, et les Gedourion ar Mintin, qui s’inscrivent dans cet élan de renouveau, sont chargés de la diffusion de cette lettre. Sans vouloir refaire du passé, si nous voulons que l’Eglise de Bretagne, et par delà l’ensemble de l’Eglise, puisse s’ancrer dans nos paysages modernes, il nous faut retrouver nos racines. A-t-on déjà vu un arbre bien portant si ces racines principales sont coupées ?

Je vous laisse découvrir ici la première partie de cette lettre pastorale. Bonne lecture.

 —————————————————-

monseigneur gourvès, lettre pastorale, breton, bretagneAu début du troisième millénaire, j’éprouve une certaine fierté à me compter parmi ceux dont la langue maternelle est le breton. A ce titre, et comme évêque de l’un des diocèses de Bretagne, il m’a semblé opportun d’entrer en dialogue avec les hommes et les femmes qui sont attachés à la culture bretonne aujourd’hui, une culture qui doit conserver toute sa place dans le contexte de la mondialisation en cours.

Je le fais en continuité avec le geste historique fort posé par le Pape Jean-Paul II lorsqu’il est venu à Sainte-Anne d’Auray en 1996 : il a donné une place à la culture et à l’identité bretonnes. Il m’a semblé percevoir en cette occasion le signe que quelque chose bougeait dans les relations entre l’Eglise et le réveil breton.

Je me situe dans le prolongement des festivités qui ont entouré récemment, à Tréguier, le septième centenaire de la mort de Saint Yves, prêtre et patron secondaire de la Bretagne.

Et déjà, nous préparons le cinquantième anniversaire de la consécration de la Bretagne à Marie Immaculée, qui sera célébré le 26 juillet 2004.    

I – Nos racines

Une longue route avec l’Evangile

Les temps ne sont pas si lointains où, en Bretagne, il y avait des liens étroits entre la foi chrétienne et la culture entendue au sens d’une façon d’être originale au sein d’une communauté humaine spécifique. Nous avions nos manières à nous non seulement de nous nourrir, de nous habiller, de nous rassembler, mais aussi de parler, de danser, de prier Dieu, d’honorer nos morts. Cet équilibre a été un moment remis en cause. Un nouvel élan commence pourtant à poindre.

Faisons d’abord mémoire de notre histoire. L’Evangile a été proclamé à Nantes et à Rennes dès le 3ème siècle par des Gallo-Romains. Puis, à partir du 5ème siècle, dans le reste de l’Armorique, par des Bretons venus d’Outre-Manche, conduits par leurs chefs politiques et religieux. Ceux-ci créèrent un réseau de paroisses maillant tout le pays. Certains de ces moines devinrent évêques, ceux que l’on appellera plus tard les saints fondateurs de la Bretagne chrétienne. Aux sept bien connus, l’on peut ajouter saint Melaine et saint Félix pour Rennes et Nantes, évêques gallo-romains fondateurs de ces évêchés.

Outre nos saints évêques fondateurs, nous avons chez nous une multitude de saints locaux, dont les innombrables chapelles (un millier dans le Morbihan, en plus des 300 églises paroissiales) constellent la Bretagne. Un jour de pardon dans une chapelle bretonne est un jour de joie et une chance spirituelle et humaine. Le saint que nous vénérons est souvent bien local, bien obscur. Mais c’est lui qui a planté l’Evangile dans ce terroir-là. Nous lui sommes redevables de la foi dont nous vivons.

Depuis les origines de la Bretagne, la foi a suscité, à la pointe occidentale de l’Europe, un patrimoine religieux original fait d’églises, de chapelles, de fontaines et de calvaires, qui a évolué au long des siècles et a intégré sans effort les influences venues du reste du monde.

Cette même foi, dans les régions où l’on parlait breton et jusqu’au milieu du 20ème siècle, s’est exprimée en langue bretonne.  

Dans un passé récent

A propos de cette langue, Mgr Graveran, alors évêque de Quimper et de Léon, en visite « ad limina apostolorum » à Rome en 1847, s’entendit dire par le pape Pie IX : « Gardez, gardez comme la prunelle de vos yeux, cette vieille langue qui garde votre foi. » Pendant une vingtaine d’années, de 1865 à 1884, parut un hebdomadaire entièrement en breton, au titre significatif « Feiz ha Breiz » (« Foi et Bretagne »). Il abordait tous les problèmes qui pouvaient intéresser une population rurale attachée à sa terre, à sa foi catholique, à sa langue, à son Eglise. En Basse-Bretagne, on disait volontiers que « Ar brezoneg hag ar feiz zo breur ha c’hoar e Breiz » (« le breton et la foi sont frère et sœur en Bretagne »).

La revue reparut entre 1899 et 1943. Longtemps dirigée par l’abbé Yann-Vari Perrot, elle se préoccupait davantage des dangers qui menaçaient déjà la langue, la foi et l’identité des Bretons. Il en allait de même dans les diocèses de Saint-Brieuc et Vannes, avec d’autres revues, telles que la revue « Dihunamb », fondée par Loeiz Herrieu pour les bretonnants du Morbihan.

L’attachement des évêques de Quimper, de Saint-Brieuc et de Vannes à la langue bretonne a duré jusqu’aux années qui ont suivi la deuxième guerre mondiale. Entre les deux guerres, sauf dans nos grandes villes, le catéchisme et la prédication se faisaient en breton. Pour le grand poète de Groix Yann-Ber Kalloc’h, la langue bretonne avait un caractère sacré, constituait une donnée naturelle de « l’âme bretonne.»

La langue bretonne a été surtout utilisée par le clergé pour une production en grande partie religieuse. Dans notre diocèse, sous la direction de Jérôme Buléon, puis sous celle d’Augustin Guillevic, toute une équipe se mit en place : elle utilisait le dialecte vannetais, mais travaillait aussi au rapprochement et à l’unité linguistique avec les autres dialectes. L’abbé Le Goff créa les outils (grammaire, lexiques, exercices) pour l’étude de la langue dans les séminaires. D’autres réalisèrent un nouveau recueil des cantiques bretons du diocèse, qui fut plusieurs fois édité. Le théâtre breton de Sainte-Anne connut ses belles heures avec Job Er Bayon, surtout avant le premier conflit mondial. En 1927, le missel latin-breton « Livr pedenneu, overen ha gospereu » vit le jour. Beaucoup de prêtres étaient des auteurs talentueux de chants, de chansons, de contes. D’autres traduisaient des œuvres d’autres pays. La revue « Dihunamb » soutenait les talents, publiait les œuvres.  

Aujourd’hui

Le pardon de Sainte-Anne-d’Auray conserve largement sa tonalité bretonne. Le 26 juillet 1954, le cardinal archevêque de Rennes, entouré des évêques des quatre autres diocèses bretons consacra la Bretagne à Marie Immaculée. A cette occasion, on entendit un radio message en direct du pape Pie XII, que le souverain pontife conclut par une invocation en breton.

A Tréguier aussi, lors du pardon de Saint Yves, le breton était et demeure à l’honneur.

Parmi nos compatriotes, des hommes comme René de Chateaubriand, les frères Lamennais, le Père Lebret, étaient toujours fiers de se dire catholiques et bretons. Quand le pape Jean-Paul II est venu à Sainte-Anne-d’Auray, en 1996, la note catholique et bretonne s’est aussi fait entendre. La culture et la langue bretonnes prirent toute leur place lors de la célébration de la messe. Au cours de son homélie, le Saint-Père cita en breton, leur langue originelle, les paroles par lesquelles Sainte Anne s’était adressée à Yvon Nicolazic.

Un lien très fort a donc longtemps existé entre le fait d’être Breton et de s’affirmer Catholique. Ce lien – qui se tisse à nouveau ici et là – constituait un élément de notre identité et la langue jouait un rôle important dans le couple ainsi formé. Elle en faisait le lien.  

II – La brusque rupture des années 1950

Un fait massif

Une rupture soudaine s’est produite dans les années 50, même si le problème a commencé à se poser dès la fin du 19ème siècle avec l’enseignement du français dans toutes les écoles, puis l’interdiction – sous peine de punition – d’y parler breton. Il faut situer aussi cette rupture dans le contexte d’une émigration massive des jeunes vers les autres régions ou vers l’étranger : la langue bretonne, pensait-on, ne pourrait être qu’un obstacle à la réussite sociale, tant était fort le sentiment de honte. Il y a eu un arrêt de la transmission de la langue dans beaucoup de familles, ce qui a provoqué de profonds changements dans la pratique pastorale de nos diocèses. Le phénomène, en effet, a été massif, à tel point qu’il n’y avait pratiquement plus de bretonnants de naissance. L’on a vu disparaître les héritiers d’une langue qui se transmettait naturellement de génération en génération.  

Une volonté politique ?

Cela d’ailleurs n’a t-il pas été consciemment voulu par un certain nombre de partisans d’une République une, indivisible et laïque, jusque dans sa langue ? La mort du breton avait été programmée depuis longtemps. Une des déclarations les plus nettes dans ce sens remonte au 19 juillet 1925. Ce jour-là, Anatole de Monzie, inaugurait le pavillon de la Bretagne à l’Exposition Universelle. Il était ministre de l’Instruction Publique et, à ce titre, il affirma : « Pour l’unité linguistique de la France, la langue bretonne doit disparaître. » En une ligne, toute une doctrine était résumée : celle d’un Etat centralisé et unitaire auquel répugnait la diversité linguistique et culturelle de ses régions et qui ne voulait reconnaître qu’une langue comme ciment unificateur.

Par la suite, d’autres hommes politiques ne manquèrent pas de rappeler cette exclusive au nom d’un dogmatisme qui paraît, au moins de nos jours, rigide et dépassé. En tout cas, la plupart des enseignants, ceux de l’école publique comme ceux de l’école catholique, entrèrent dans le jeu du pouvoir central, sans se poser trop de questions, semble-t-il.  

Des conséquences

Nos Eglises diocésaines durent s’adapter à cette nouvelle réalité. On cessa donc de catéchiser et de prêcher en breton, même là où la nécessité ne s’imposait pas. On n’utilisa plus cette langue que par intermittence, dans quelques sanctuaires privilégiés, lors de certains pardons de chapelles ou lors de pèlerinages.

En même temps, il s’était opéré un profond renouvellement de la théologie et de la catéchèse, et donc aussi du langage pour exprimer les réalités de la foi. Certains prêtres bretonnants n’avaient pas les outils conceptuels pour suivre cette évolution. Quelques-uns cependant se lancèrent dans l’étude et la recherche. Quant aux jeunes prêtres de cette époque, ils maîtrisaient mal ou pas du tout le parler breton, faute d’y avoir été préparés en famille ou au séminaire.

De façon plus ou moins inconsciente, nous gardions aussi le souvenir de certaines dérives du temps de l’occupation, qui nous mettaient mal à l’aise pour la défense de la cause bretonne.

C’est donc à la fois dans le domaine profane et dans le domaine religieux que s’est produit un phénomène d’abandon. Il est loin d’être totalement expliqué.  

Des îlots de résistance

Pendant ces années éprouvantes, des militants de la culture bretonne (musique, histoire, langue, patrimoine architectural, sports bretons, etc.) ont continué leur travail avec cœur, non sans quelque incompréhension. Des associations anciennes ou nouvelles ont regroupé les énergies, lancé des projets dont la pertinence est aujourd’hui reconnue. Dans cette dynamique, des prêtres, des religieuses et des laïcs ont été actifs : il n’est que de penser aux chorales, cercles celtiques et bagadou. Nés d’initiatives personnelles, ils ont rencontré un écho favorable dans les paroisses. En plus d’avoir sauvé un patrimoine inestimable, tout cela a permis à la culture bretonne d’émerger au sein d’une société urbanisée, transformée. Des sillons d’avenir étaient tracés.  

III – Un renouveau

Un essor inattendu

Un réveil de la culture et de l’identité bretonnes s’est produit. On peut le dater des années 60, même s’il devint plus vigoureux dans les années 70. La culture bretonne a, en trois ou quatre décennies, retrouvé un extraordinaire dynamisme.

L’image publique de la Bretagne est de nouveau forte, et c’est un signe positif : un peuple qui est fier de son identité (après en avoir été honteux pendant au moins deux siècles) est capable de créer, d’affronter l’avenir avec confiance et détermination, en solidarité avec tous les peuples du monde ! L’identité bretonne n’affaiblit pas l’identité française, ni l’identité européenne ou mondiale, bien au contraire. Une Bretagne non repliée sur elle-même, mais accueillante aux autres cultures, aux autres langues, est une Bretagne où le bonheur est possible, une Bretagne bénéfique pour l’ensemble de la communauté humaine. Fidèle à sa celtité – les Celtes ont toujours été de grands voyageurs –, elle n’a cessé d’être ouverte sur le large, comme en témoignent les milliers de missionnaires, de marins et de coopérants qui sont partis à travers le monde.

L’essor de la culture bretonne se manifeste de diverses façons. Depuis 25 ans environ, de nombreuses chapelles ont été restaurées avec le soutien de l’association « Breiz Santel ». Ce mouvement – d’origine et patrimoniale et religieuse – s’accompagne d’un regain d’intérêt pour les pardons locaux : à travers leurs racines, beaucoup d’habitants retrouvent le chemin de la foi de leurs aïeux. Notre musique s’est considérablement renouvelée, associant tradition et modernité. Le nombre de musiciens, de groupes amateurs, de bagadou, de professionnels et de semi-professionnels, de facteurs d’instruments, de compositeurs, d’éditeurs de disques, est de plus en plus important. L’expression musicale et linguistique est présente dans les médias. Notre tradition chantée est en pleine effervescence, sous toutes ses formes : gwerz, Kan-ha-diskan, cantiques, etc. En Bretagne, les chanteurs, les chœurs, les ensembles, se comptent par dizaines. Nous avons nos grands et petits festivals à tonalité bretonne ou celtique. Il se fait un travail considérable en matière d’édition et de diffusion de la littérature bretonne, en matière aussi d’émissions de radio et de télévision (TV Breizh est née).  

Une langue qui veut vivre

Le chapitre de la langue mérite une mention particulière en sa qualité de socle d’une culture. Un vieil adage ne dit-il pas : « Hep Brezhoneg, Breizh ebed » (sans langue bretonne, plus de Bretagne) ? Sans doute le français est-il notre mode le plus répandu de communication. Cependant, plus de 300.000 bretons ou bretonnes peuvent aussi faire usage de leur langue spécifique. Le breton résiste, mais dans des conditions entièrement nouvelles au plan de son histoire. La langue bretonne, désormais, fait l’objet, de plus en plus, d’un volontariat. On s’exprime en breton parce qu’on en a fait le choix ; un choix qui relève d’une démarche délibérée et parfois militante dont on ne peut que prendre acte.

En 1951, la loi Deixonne a admis pour la première fois l’enseignement facultatif du breton. Même s’il faut reconnaître qu’il est moins parlé qu’il y a 50 ans, « le breton est de plus en plus étudié à l’école, reconnu comme langue, voire honoré, comme si la population prenait la mesure de la menace qui pèse sur elle, en tant que marque millénaire de la Bretagne », est-il écrit dans le récent Dictionnaire du Patrimoine breton.

Des enfants l’apprennent maintenant dans les écoles Diwan ou les filières bilingues publiques ou privées (2.500 dans le Morbihan). Des jeunes préparent des licences, des maîtrises, des CAPES, des doctorats en breton. Des adultes (environ un millier dans notre département) suivent des cours du soir, souvent soutenus par les municipalités. Le bilinguisme, dès le jeune âge, est, dit-on, une bonne préparation à l’apprentissage de langues étrangères devenu une nécessité de notre temps, comme le souligne une résolution de l’UNESCO. Demain, tout le monde parlera sans doute plusieurs langues…

Mais le bilinguisme n’a pas seulement une dimension utilitaire. Il donne des possibilités nouvelles d’expression dans de multiples domaines. Un orchestre n’est-il pas la réunion de plusieurs instruments différents, chacun apportant sa note et son éclat à l’ensemble de l’œuvre interprétée ? La maîtrise de plusieurs langues permet d’exprimer dans des registres variés le fonds commun de l’humanité, ses inquiétudes, ses peurs sans doute, mais aussi ses espoirs, ses attentes et ses joies.

C’est une richesse à protéger alors que se précise la menace d’une uniformisation linguistique à l’échelle de la planète. Aujourd’hui, 96% de la population mondiale parle 4% des langues existantes ; 90% des 5.000 à 7.000 langues en usage sont menacées de disparition d’ici un siècle, selon des prévisions de l’UNESCO. Avec la disparition d’une langue, c’est une part d’humanité qui s’en va…  

Une nouvelle fierté

De tout cela et d’autres exemples que l’on pourrait relever, on peut conclure qu’il y a en Bretagne un fort sentiment d’identité régionale, un fort attachement à la culture bretonne et, en particulier à la langue de nos pères, une sorte de volonté historique de garder notre être. Un mouvement de fond travaille « l’âme bretonne », qui lui redonne la fierté qu’elle avait un peu perdue et l’enracine dans sa riche histoire.

Comme l’écrivait la philosophe Simone Weil, cet enracinement « est peut être le besoin le plus important et le plus méconnu de l’âme humaine… Chaque être humain a besoin d’avoir de multiples racines. Il a besoin de recevoir la presque totalité de sa vie morale, intellectuelle, spirituelle, par l’intermédiaire des milieux dont il fait naturellement partie » (« L’enracinement », 1949).  

IV – L’Eglise interpellée

Nouveau dialogue avec les cultures

Depuis une quarantaine d’années, un bouillonnement de la culture bretonne est donc perceptible. L’Eglise ne peut pas y rester indifférente ou insensible après un temps de silence qui a pu engendrer chez certains de la déception. Dans l’immédiat après-guerre, trop sollicitée par des questions d’ordre économique, social et politique – qui étaient peut-être l’urgence du moment – l’Eglise a quelque peu oublié la culture. Puis est arrivé le Concile Vatican II, qui a ouvert d’autres horizons à l’heure où les peuples s’émancipaient.

Le décret « Ad Gentes » sur l’activité missionnaire de l’Eglise invite celle-ci à faire grand cas du patrimoine, des langues, des mœurs des peuples auxquelles elle s’adresse (n° 26). « Les disciples du Christ doivent connaître les hommes au milieu desquels ils vivent, engager conversation avec eux », peut-on lire dans le même décret (n° 11).

Ce que dit le Concile dans sa constitution pastorale sur l’Eglise dans le monde de ce temps « Gaudium et Spes » va dans le même sens : « Toute forme de discrimination touchant les droits fondamentaux de la personne, qu’elle soit sociale ou culturelle … doit être dépassée et éliminée comme contraire au dessein de Dieu » (n° 29).

Il y a sûrement place au soleil de Dieu pour la langue bretonne, dans une perspective de fidélité et d’ouverture. Nos ancêtres ont chanté et prié en breton, nous pouvons estimer légitime d’en faire autant. Dans cet esprit, la transmission de la foi peut se faire en même temps que celle de la langue. Il est souhaitable que l’Eglise y prête une attention renouvelée.  

Faire droit aux minorités culturelles

A plusieurs reprises, depuis le début de son pontificat, le pape Jean-Paul II a abordé le problème des cultures minoritaires. Dans son message du 1er janvier 1989 pour la Journée Mondiale de la Paix, il parlait d’un « droit à sauvegarder », à savoir « le droit des minorités à conserver et à développer leur culture. Il n’est pas rare de voir des groupes minoritaires menacés d’extinction culturelle. » La législation française actuelle révèle en ce domaine des lacunes qui seraient à combler. Les hommes politiques pourraient y remédier dans le cadre de la régionalisation en cours, pour éviter des frustrations chez les diverses minorités qui vivent sur le territoire hexagonal.

Dans le même message, le Pape ajoutait : « La prise de conscience de la situation des minorités qui se manifeste de façon croissante aujourd’hui à tous les niveaux, constitue à notre époque un signe de ferme espérance pour les nouvelles générations et pour les aspirations de ces minorités. En effet, le respect envers celles-ci doit être considéré en quelque sorte comme la pierre de touche d’une convivialité harmonieuse et comme l’indice de la maturité civile atteinte par un pays et par ses institutions. Dans une société réellement démocratique, garantir aux minorités la participation à la vie publique est le signe d’un progrès civil, et cela est tout à l’honneur des nations où une telle participation est assurée à tous les citoyens dans un climat de vraie liberté. » Dans son document de 2001 adressé aux Eglises d’Océanie comme conclusion de leur synode, Jean-Paul II a rappelé une conviction de Paul VI selon laquelle le catholicisme « loin d’étouffer ce qu’il y a de bon et d’original dans toute forme de culture humaine, accepte au contraire, respecte et valorise le génie de chaque peuple, et revêt de variété et de beauté l’unique vêtement sans couture de l’Eglise du Christ. » N’y a t-il pas là un remède à la possible rupture entre Evangile et culture, que Paul VI qualifiait de « drame de notre époque » dans son exhortation apostolique sur l’évangélisation dans le monde moderne « Evangelii Nuntiandi », en 1975 ?

Excluant tout excès et condamnant tout recours à la violence, sous quelque forme que ce soit, les chrétiens apportent leur contribution spécifique à une culture de l’universalité et veillent à la garder de tout repli sur elle-même. « L’Evangile de Jésus-Christ, écrivait Jean-Paul II aux Eglises d’Océanie, parle toutes les langues. Il estime et embrasse toutes les cultures. Il les soutient dans toutes les choses humaines et, si nécessaire, les purifie de leurs scories. » Dès lors, « l’universalité de l’Eglise est comme une résonance de toutes les liturgies du monde, dans toutes les langues qui existent, ou comme une chorale merveilleuse à entendre, rendant gloire à Dieu, de tous les pays et de tous les temps… L’Eglise est universelle dans la mesure où elle sait offrir la Bonne Nouvelle de l’Evangile en tenant compte des façons de vivre des hommes », écrivait encore Jean-Paul II en 1985, dans son encyclique « Slavorum Apostoli » consacrée aux apôtres des Slaves Saints Cyrille et Méthode.

Enfin, évoquant dans sa récente exhortation apostolique « Ecclesia in Europa » l’élargissement de l’Union européenne, le Pape émettait le souhait que « en plus d’assurer une mise en œuvre plus affermie des principes de subsidiarité et de solidarité, une telle expansion se réalise dans le respect de tous, valorisant les particularités historiques et culturelles ».

V. Dans notre diocèse Comme il a été dit précédemment, la population du Morbihan est désormais largement imprégnée de culture française et ouverte à d’autres cultures. C’est un fait qu’on ne peut nier. Mais, entraîne-t-il l’abandon de tout un passé qui exprime si excellemment l’âme et la foi de toute une région et y rencontre de profondes résonances ? Dans le contexte multiculturel d’aujourd’hui, il est important de proposer une heureuse alliance entre culture française et culture bretonne dans l’éducation, la scolarisation, la communication, la liturgie, la musique sacrée… L’Eglise qui est à Vannes ne peut que souhaiter le maintien et l’enrichissement de la culture bretonne. Beaucoup de ses fils et de ses filles sont déjà présents et actifs dans les groupes ou mouvements qui assurent son dynamisme. Je les encourage à persévérer et…   « Allons de l’avant »

 

 

À propos du rédacteur Eflamm Caouissin

Marié et père de 5 enfants, Eflamm Caouissin est impliqué dans la vie du diocèse de Vannes au niveau de la Pastorale du breton. Tout en approfondissant son bagage théologique par plusieurs années d’études, il s’est mis au service de l’Eglise en devenant aumônier. Il est le fondateur du site et de l'association Ar Gedour et assure la fonction bénévole de directeur de publication. Il anime aussi le site Kan Iliz (promotion du cantique breton). Après avoir co-écrit dans le roman Havana Café, il a publié en 2022 son premier roman "CANNTAIREACHD". En 2024, il a également publié avec René Le Honzec la BD "L'histoire du Pèlerinage Militaire International".

Articles du même auteur

[PONTIVY] Messe en breton à l’intention des défunts, le 3 novembre 2024

Amzer-lenn / Temps de lecture : 1 min Lidet ‘vo un oferenn e brezhoneg d’an …

[KERVIGNAC] Pardon de Saint-Efflam le 13 octobre 2024

Amzer-lenn / Temps de lecture : 1 min Le pardon de Saint-Efflam en Kervignac aura …

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *