Au prétexte que la fumée de l’encens risque de faire tousser les rares paroissiennes cacochymes et asthmatiques, l’encensoir avait été relégué au fin fond des placards de la sacristie et voilà t’y pas qu’il vient de refaire surface, si l’on puis dire, à l’occasion des obsèques d’un paroissien.
Malheureusement, le préposé à son maniement n’ayant aucune notion de son fonctionnement s’évertuait péniblement, les bras en l’air et sur la pointe des pieds, tandis que l’officiant, courbé jusqu’à terre, s’efforçait de recharger en combustible l’ustensile qui lui était ainsi, bien maladroitement présenté ….
En revanche, le goupillon, ustensile d’utilisation aisée, même par un enfant, avait disparu : c’est à la main, directement et proprement trempée dans l’eau – bénite ? – d’une bassine à confiture, que les fidèles étaient invités à bénir le catafalque. Même pas de serviette pour s’essuyer les doigts, le geste effectué…
Voilà l’occasion de s’interroger sur ces deux articles liturgiques, leur origine, leur symbolisme, leur utilité.
1°) l’encensoir va de pair avec la navette qui contient les grains d’encens qu’avec l’aide d’une petite cuillère, le prêtre dépose sur le charbon ardent, préalablement allumé, qui se trouve au fond de l’encensoir.
L’acolyte chargé du maniement de l’encensoir s’appelle le « thuriféraire ». Celui qui tient la navette est le « naviculaire ». Les deux fonctions peuvent être exercées par la même personne, mais nécessitent, du moins pour le thuriféraire, un minimum d’apprentissage.
L’encensoir est un brûle-parfum dans lequel se consume l’encens, résine végétale à l’odeur agréable, du moins typique. On se rappelle que l’encens est, avec la myrrhe et l’or, les présents offerts à l’enfant Jésus par les rois mages (Mathieu 2, 11).
Il faut tenir la boucle de la main droite, de la gauche, relever le couvercle en tirant sur la chaînette appropriée, puis, de la même main gauche, relever le fond et le présenter à l’officiant pour qu’il le garnisse. Il suffit après de laisser se fermer le couvercle et de présenter des deux mains à l’officiant l’ustensile prêt à servir à son usage qui est, précisément, d’encenser, en général, par plusieurs petites séries de trois balancements…. Du grand art, même si l’on est bien loin du botafumeiro de la cathédrale Saint Jacques de Compostelle ! ….
Pour dégager tout son parfum, la résine doit brûler. A froid, l’encens ne sent rien et ne sert à rien : ce ne sont que des grains de sève solidifiés. Il faut qu’ils soient au contact du feu brûlant du charbon ardent pour produire leur effet. L’encens est destiné à disparaître en cendre après avoir exhalé sa fumée odoriférante. C’est déjà tout un symbole.
L’encens était brûlé par le grand prêtre dans le Saint des Saints du Temple de Jérusalem, sur l’autel approprié, à l’occasion des grandes fêtes de pèlerinage. Destinée à manifester et honorer la « shekinah », la présence de YHWH (1 Rois 8, 10 et 11) que personne ne saurait voir sans mourir, la nuée parfumée de l’encens monte comme une prière agréable à Dieu (psaume 141, 2)
C’est une manière imparable et exquise d’honorer Dieu, l’autel du sacrifice, le livre de la Parole de Dieu, le pain et le vin, le prêtre qui célèbre et même les fidèles qui sont aussi « participants actifs » (Vatican II, Lumen Gentium n° 34, Sacrosanctum concilium n° 48) au saint sacrifice de la messe dont le sacrement de l’eucharistie est « la source et le sommet de toute évangélisation » (Vatican II, Presbyterorum ordinis n° 5).
C’est aussi pour rendre hommage au corps du défunt, désormais séparé de son âme, qui va être porté en terre mais qui est appelé à ressusciter – c’est le fondement de notre foi chrétienne – que le catafalque va être, lui aussi, encensé par l’officiant avant d’être aspergé d’eau bénite par l’ensemble des participants qui le souhaitent.
La dimension pascale des funérailles chrétiennes nécessite un tel hommage dans l’espérance de la résurrection. « Et cela ne vaut pas seulement pour tous ceux qui croient au Christ, mais pour tous les hommes de bonne volonté » (Vatican II « Gaudium et spes » n° 22-5)
2°) l’eau qui sert à l’aspersion du catafalque, présentée dans le même bassin que celui qui sert pour le baptême, est un rappel évident de ce sacrement, « porte » de tous les autres (canon 849 du code de droit canonique).
Encore convient-elle qu’elle soit effectivement bénie, sacramental réservé à un ministre ordonné, évêque, prêtre ou diacre, dans la mesure où la vie ecclésiale et sacramentelle est concernée par les funérailles (Catéchisme de l’Eglise catholique, n° 1669)… Et que soit mis à la disposition de l’officiant et des participants un moyen, aussi commode que possible, de pratiquer l’aspersion qui soit en conformité avec le caractère béni de l’eau, sans se mouiller ni en mettre partout !
C’est le rôle du goupillon qui tire son nom du renard dont la queue touffue se trouvait particulièrement propice à une telle utilisation.
Il est vrai que le goupillon avait mauvaise presse, surtout depuis son alliance avec le sabre ! Mais tout ceci c’était avant. C’est aujourd’hui bien fini : l’alliance du sabre et du goupillon semble dorénavant avoir vécue.
On a du mal aujourd’hui à imaginer que le goupillon pourrait être au clergé ce que le sabre est resté aux officiers de marine : une arme d’apparat ! Imbibé d’eau bénite, un goupillon bien manœuvré peut, dans certaines batailles, s’avérer plus efficace qu’un sabre entre des mains expertes.
A défaut de goupillon (on n’utilise plus de queue de renard….), on peut prendre un rameau d’olivier, de buis ou de laurier comme il se pratique quelque fois au début de la messe, particulièrement celle des rameaux, le dimanche qui précède pâques.
Mais la commodité du goupillon n’est plus à démontrer…
Aspersion n’est pas ablution, comme avec le bénitier à l’entrée de l’église qui rappelle les rites juifs de purification.
Allez, s’il est perdu ou cassé son remplacement ne grèvera pas considérablement les finances de la paroisse (24 € sur le site paroisse.com)
Ainsi on ne disconviendra pas de l’utilité nécessaire de ces deux objets liturgiques que sont l’encensoir avec sa navette et le goupillon avec son seau-bénitier, tant pour le sacrement de l’eucharistie de l’office dominical que pour les cérémonies des funérailles qui, s’il ne s’agit de sacrements à proprement parler, restent l’occasion privilégiée pour ceux qui y participent d’appréhender une partie du mystère divin et d’aborder une réflexion eschatologique.
Ceci grâce à l’eau et à l’encens, médiateurs du sacré qui parlent à nos sens.
Alors, pourquoi s’en priver ?
Merci Maitre pour cet article qui remet à l’honneur ces objets du culte qu’on ne voit plus guère dans nos paroisses…
Sans doute les a t’on évacués parce qu’ils rappelaient trop la liturgie latine… c’était, ce fut et ça restera une erreur!! Ces objets ont une fonction liturgique encore actuelle: aspersion du corps pour les funérailles, aspersions pendant le temps de Pascal, encensement les dimanches et jours de fête, au salut du Saint-Sacrement (mais qui en fait encore aujourd’hui???) etc…
Il serait bon, non, plus que nécessaire que dans chaque diocèse l’évêque « communique » autour de l’importance d’utiliser ces objets liturgiques, non seulement aux fidèles mais aussi aux prêtres qui ont supprimés encensoir et goupillon des célébrations.