LES BRINDILLES CHAMPÊTRES : CINQUIEME PETIT BOUQUET, LE PAYS NATAL

Amzer-lenn / Temps de lecture : 6 min

Nous poursuivons nos chroniques « Brindilles champêtres« , tirées du livre plein de poésie de l’abbé J. Le cornet (1) : ensemble d’évocations champêtres, nous invitant à une contemplation transcendante  de la nature, des campagnes et de toute la fourmillante vie qui les anime, y compris le travail des hommes, et ce, dans une parfaite chaine écologique qui est un hymne perpétuel à l’œuvre divine. « Regardons l’horizon par-dessus les buissons », nous dit ce prêtre-poète, et nous croiserons alors, partout, le regard de Dieu sur sa création.

Dans ces « brindilles » qu’il nous invite à ramasser et à considérer, il nous propose l’amour du pays natal, de cette terre, de ces terroirs, de ces paysages façonnés, siècles après siècles par nos ancêtres, et qui après une vie de labeurs, y reposent. Cet amour du pays natal – autrement dit de la patrie- suborne tous les autres attachements.  Bien des chants, des cantiques, des hymnes nationaux exaltent cet amour du pays, et cela n’a rien à voir avec un quelconque repli sur soi, manière nouvelle de dire que nous sommes égoïstes, que nous manquons de charité, voire de solidarité, et que de plus, nous cultiverions  un mépris des autres pays.

Nous devons, au contraire, voir dans cet amour patriotique une relation avec le quatrième commandement qui nous fait un devoir « d’honorer notre père et notre mère », car considérer avec respect sa patrie, l’aimer en tout, est une autre manière de respecter, non seulement nos parents à qui nous devons la vie sur cette terre, mais aussi tous ceux qui, comme eux, l’ont façonnée, lui ont donné cette âme qui donne à notre pays sa personnalité propre. En effet comment prétendre aimer une culture, des traditions, une langue, une histoire, qui nous précédèrent et dont nous sommes les héritiers, si nous cultivons l’indifférence, voir le mépris de la patrie, et jusqu’au mot lui-même. Notre époque nous apprend à nous détester nous-mêmes, à rejeter nos racines, à faire de nous des êtres honteux, coupables, repentants, sans passé. En sommes, de faire de nous les mauvais acteurs d’un  « J’irai cracher sur vos tombes », titre d’un célèbre livre où l’auteur, mal dans sa peau, crache  toutes ses haines.

Notre  hymne breton, le Bro Goz ma Zadou  (le Pays de nos Pères), à l’instar de bien des pays, chante cet attachement charnel à la mère patrie, au pays des Pères : O Breizh ! Ma Bro ! Me gar ma Bro (O Bretagne ! Mon Pays ! Que j’aime mon Pays ! Et d’insister : Ni Breizhiz a galon, karomp gwir vro ! (Nous Bretons de cœur, nous aimons notre vrai pays), ou encore : N’eus bro all a garan kement ‘barzh ar bed (Il n’est d’autres pays au monde que j’aime autant).  Certes, parfois dans cet amour empreint de nostalgie chantée,  on peut y trouver des petits accents de chauvinisme bien pardonnable, parfois au timbre désuet, mais certainement pas l’expression d’un nationalisme orgueilleux, méprisant et source de conflits.  L’enfant ne dit-il pas que sa maman est toujours la plus belle du monde ? Ainsi en va-t-il de la patrie, elle restera la plus belle, car notre cœur, notre âme, nos souvenirs y trouvent toutes leurs racines. L’Eglise nous enseigne que cet amour de la patrie terrestre, don de Dieu, doit nous préparer à l’amour de notre patrie céleste, le Ciel.

Ainsi, l’abbé Le Cornet, toujours avec le goût exquis d’un cantique, que seul un poète peut nous offrir:

« L’amour du pays natal, voilà bien l’un des plus forts sentiments que Dieu ait mis au cœur de l’homme. Certes, il y a des lieux que l’on admire, d’autres qui touchent et où l’on aimerait vivre, mais le village natal est toujours le plus beau. D’ailleurs nos impressions d’enfance y tiennent une place considérable. En effet, ce qui nous frappe dans le jeune âge a un charme particulier et reste l’objet de nos prédilections. C’est dire que notre pays vaut bien la peine qu’on l’aime.

Le souvenir de la terre ancestrale nous remplit le cœur et les yeux d’un charme inexprimable. Si nous nous hasardons dans quelques vieux chemins creux, nous aurons l’avantage d’évoquer la mémoire de nos chers défunts, qui tant de fois les ont arpentés,  qui sans bruit, avec tant d’allant et de courage ont accompli leur rude tâche ».

Ici encore, le prêtre poète nous promène dans la beauté de ces campagnes d’antan, nous décrivant l’autre beauté, celle des rudes tâches qui faisaient de nos paysans et de nos artisans des artistes à nul autres pareils, et qui aujourd’hui, pour peu que nous y accordions attention nous charme. Autant de raisons, nous conseille-t-il, de remercier Dieu, sachant que tout travail peut être prières, action de grâce.

Il nous fait aussi comprendre que toutes ces beautés qui font de notre pays un grand jardin, sont très fragiles :

« Les ruines des vieilles maisons, des chapelles qui nous regardent avec tristesse et qui nous font monter des larmes aux yeux. En effet, c’est la grande désolation de la terre qui  meurt. Désormais, on ne tirera plus la chevillette et la bobinette ne cherra pas, car il n’y a plus de porte. Le foyer est éteint et plus ne fumera la vieille cheminée. La vie n’en continue pas moins, allons donc à la découverte de nouveaux horizons, retournons à la reprise de la vie quotidienne où chacun de nous a un rôle à jouer, besognant bien souvent dans l’ombre et dans l’oubli. Cependant, n’oublions jamais que tout parle dans la nature, et tout y parle de Dieu, parce que le Créateur y a mis sa marque et son esprit ».

Nous voyons que l’intention du poète n’est pas de nous complaire dans une vaine nostalgie des temps qui ne sont plus, mais tout en sachant reconnaitre admirer et défendre ce qui est éternel : les vertus du beau, du sacré, du travail, de nous tourner vers l’avenir, précisément en prenant pour socle ces mêmes vertus. Et qu’aux ruines matérielles (bâtiments), s’ajoute les ruines morales, spirituelles, culturelles, filiales, souvent plus graves, plus irréversibles.

Et de conclure en citant Saint Thomas :

« Nous avons trois créanciers : Dieu, nos parents et notre pays ».

Le monde présent a bien oublié cela. Nous estimons n’avoir aucune créance, que tout nous est dû. L’idée même de Patrie est devenu insupportable, un gros mot, poussant même à faire croire que l’attachement à la terre des ancêtres qui nous a vu naître est désormais une affaire dépassée sur un tas de moisissures. Mais alors, que nous proposent donc de meilleur nos grands sages sinon la vacuité  des esprits et l’éphémère de leurs œuvres desquelles toute la beauté du monde a été chassée en même temps que Dieu, créateur de toute cette beauté.

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À propos du rédacteur Youenn Caouissin

Auteur de nombreux articles dans la presse bretonne, il dresse pour Ar Gedour les portraits de hauts personnages de l'histoire religieuse bretonne, ou encore des articles sur l'aspect culturel et spirituel breton.

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Un commentaire

  1. Oh que c’est bien dit! Mon Dieu que c’est vrai…J’ai connu un pays et un peuple que nous ne reverrons plus jamais (Péguy modifié! enfin complété).J’ai connu mon pays ancestral avec une fraternité exemplaire, le respect des Anciens, l’entr’aide permanente; ces familles dont le père disparaissait en mer et la famille dominante les intégrait à la Famille, une véritable Gens au sens latin, gamin je m’y perdais entre toutes ces tantes et ces cousins toujours prêts à venir nous prêter assistance en toutes circonstances…que reste-t-il? Le jour où la bande à Biroute a succédé aux Rouges le port de Le Guilvinec a liquidé la pêche selon la volonté de l’Europe pour n’être qu’un bordel à touristes…1968…164 bateaux de pêche et ado j’ai participé l’été; aujourd’hui une vingtaine et beaucoup de chômeurs avec la drogue qui circule! Bravo le Centre Démocrate prétendu catholique de Biroute le diffuseur de blanche! Pour qui votaient mes parents!!!

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