Pour ce 4ème dimanche de l’Avent, l’Eglise nous invite à méditer sur la Visitation ; la rencontre autant réelle que symbolique entre la Vierge Marie qui vient juste de commencer à concevoir en son sein le Verbe de Dieu et sa cousine Elisabeth, à son sixième mois de grossesse de celui qui sera Jean Baptiste. Le moindre détail de ce récit est porteur de sens. Retenons la fin de l’homélie :
Comme Jean-Baptiste a tressailli dans le ventre d’Élisabeth en entendant la salutation de Marie porteuse de Jésus en son sein, prouvant que Marie a bien un rôle de médiatrice[1]car c’est par la voix de Marie que Jean ressent la présence de Jésus, il faut qu’en nous, à chaque messe, tressaille ce qui est annonciateur du Christ, ce qui en constitue les marques, son emprunte. Mais encore faut-il laisser à Dieu la première place comme ici dans cette rencontre. La première voix qui s’élève est celle de Marie certes, mais elle ne fait que traduire la présence de Jésus en elle, ensuite l’Esprit Saint se manifeste dans l’enfant que porte Élisabeth et enfin dans les propos de la mère elle-même.
Alors, faisons en sorte que nos assemblées dominicales apparaissent bien comme des rassemblements provoqués par Dieu et pour Dieu, de sorte que sa présence supplante toujours celle de la communauté.
Arrêtons par exemple ces mots d’accueil qui n’en finissent pas et qui malheureusement précèdent bien souvent l’invocation Trinitaire dans la majorité des cas, alors que celle-ci devrait se suffire à elle-même en début d’office. Éliminons aussi ces introductions aux lectures bibliques, il y a une homélie pour cela et même si le prêtre ne reprend pas tous les textes du jour, il est dans ce domaine comme on dit « le seul maître à bord ! ». Finissons-en enfin avec ces prières universelles, qui à force de vouloir être trop actuelles en deviennent une sorte de doublet du journal papier, radiodiffusé ou télédiffusé, un peu comme si les assistants à la messe n’avaient pas eu le temps de prendre connaissance des informations. Surtout si, circonstances aggravantes, on emploie le vocabulaire des médias qui va à la liturgie comme un tablier à une vache !
Toujours en me référant à Marie et à Élisabeth, l’une n’est pas venue vers l’autre pour lui raconter les dernières nouvelles de Nazareth, et Élisabeth, femme de prêtre, l’entretenir des derniers ragots du temple ! Une réunion de croyants se fait d’abord pour conforter la foi et augmenter les louanges et les prières qui montent vers le Seigneur.
Aussi voudrais-je évoquer pour conclure une interprétation symbolique du voyage de Marie[2]. La Vierge porte en effet déjà en elle Jésus, la parole éternelle de Dieu, ce qui lui a donné assez tôt le titre de Nouvelle Arche d’Alliance.
Or l’Ancien Testament connaît un épisode célèbre où l’Arche ancienne, celle qui renfermait les tables des dix commandements, des dix paroles donc paroles de Dieu aussi, part en visite. Au deuxième livre de Samuel au chapitre 6 David veut installer l’Arche dans sa nouvelle capitale Jérusalem. Mais au passage de l’aire de Nacon, un certain Ouzza porte la main sur cet objet sacré pour l’empêcher de tomber, oubliant que, n’étant pas de caste sacerdotale, il ne pouvait être en contact direct avec l’Arche. Dieu le fait mourir. David prend peur et envoie l’Arche chez un nommé Obed, édomite, de Gath, donc peut-être aussi un philistin. Et la simple présence de l’Arche dans cette maison produit pendant trois mois, durée du séjour de Marie chez Élisabeth, une source de bénédictions très grandes pour tous. Apprenant cela, David s’empresse de faire revenir l’Arche à Jérusalem en grande pompe, allant même jusqu’à s’habiller en prêtre pour danser devant l’Arche (2S 6, 14). Et, comme sa femme Mical se moqua de lui, donc indirectement de l’Arche, elle fut frappée de stérilité (1S 6, 23).
On peut légitimement penser que Luc ait eu ce récit en tête pour nous raconter la Visitation. Savoir accueillir l’Arche de la Nouvelle Alliance c’est recevoir ensemble, chacun pour ce qu’ils sont bien sûr, Jésus et Marie sa mère. Élisabeth préfigure l’Église qui ne sépare pas le fils de la mère et qui à cause du fils déclare à la mère qu’elle est bénie entre toutes les femmes, préparant ainsi la piété mariale. Oui Élisabeth préfigure l’Église parce qu’elle porte en elle celui qui va annoncer le Messie, tout comme Marie ensuite figurera l’Église au début du ministère de Jésus à Cana en commandant de faire tout ce que son Fils dira (Jn 2, 5) et à Golgotha en devenant la mère du disciple que Jésus aimait. Jésus Marie, deux noms, deux amours, deux promesses de salut qui ne vont pas l’une sans l’autre, deux espérances aussi qui soulagent toujours les chrétiens de leurs maux.
[1] Et je pense qu’on gagne toujours à préciser « médiatrice d’intercession » comme le disait Louis-Marie Grignon de Montfort pour la distinguer de Jésus comme seul médiateur de rédemption.
[2] John McHugh, « La Mère de Jésus dans le Nouveau Testament », éd du Cerf, p. 106 à 108
Michel Viot « A l’écoute de la Bible – Année C », Préface du Cardinal Dominique Mambertin, Editions Artège