Saints bretons à découvrir

Saint Mérec : du saint légendaire à la Vierge Marie

Amzer-lenn / Temps de lecture : 5 min

Et si nous allions plus loin dans l’origine de Saint Mérec ?

Si nous ne trouvons pas grand chose sur ce saint, Ar Gedour vous en dit un peu plus, et sort des interprétations traditionnelles.

Saint Mérec - Vallée des Saints
Saint Mérec – Vallée des Saints – @Photo Ar Gedour 2016

Saint Mérec est un saint breton dont on ignore à peu près tout. En fait, la légende veut qu’il soit l’un des septuplés, les 7 saints Mérec, ayant la particularité d’avoir été nourris par une biche après avoir été abandonnés par leur mère. Ils seraient tous devenus évêques : Gonéri, Jelann, Merek, Launek, Dardanow, Kidik et Joret. L’animal viendrait d’ailleurs à l’époque du pardon visiter la chapelle dont le porche est alors garni de paille afin qu’il s’y repose. Il viendrait même la nuit de Noël auprès de la crèche posée sous le porche. Ils sont souvent confondus avec les sept saints fondateurs de la Bretagne. Il est à noter que la biche est l’attribut de saint Gilles, qui est aussi honoré en St Mérec de Kergrist (Diocèse de Vannes). Nous retrouvons des similitudes légendaires du côté de Saint Caradec (22) auprès de la chapelle St Laurent, autrefois dédiée à Saint Joret(1).

De Saint Mérec on ne connaît justement que cette chapelle en Kergrist, paroisse tréviale dès la fin du XVIème siècle et dont l’église, mentionnée en 1205, a été reconstruite.  Il n’y avait sur son territoire qu’une chapelle publique, mentionnée en 1627 sous le nom de Saint-Mérec. Deux patrons secondaires sont adjoints au dédicataire : saint Mamert et saint Patern. Les uns veulent voir en Saint Mérec le nom altéré de Saint-Mamert (2) ; les autres, s’appuyant sur l’appellation bretonne Sévrec, y trouvent les mots de seih-brér, qui signifient les sept frères ou les sept saints. D’autres encore y voient une déformation de seih-verec, qui voudrait dire « les 7 chefs ».

Mais exit ces interprétations. Car le nom n’est ni un pseudonyme, ni un nom familier.

Avant tout, précisons qu’on le rencontre ailleurs, mais sans évidence de culte. Il existe ainsi un Tréméreuc (22), sur le Frémur, paroisse dédiée à la Vierge Marie au 12ème siècle ; et un autre en St-Méloir -des-Ondes(35). Nous avons aussi un Trévérec, anciennement Tremerec, paroisse dédiée à Saint Véran, dans l’ancien évêché de Tréguier. Trévérec (Treverec) est une paroisse dès 1427 (archives de Loire-Atlantique, B 2981).

Le nom Mérec/Méreuc remonte au Vieux-breton *Meroc /Meiroc, qui lui-même suppose un latin Mariâcum < Maria-âcum. Il s’agit donc d’ une dédication à la Vierge Marie, équivalant au Llanfair du Pays de Galles. Lorsque l’appellation Intron-Varia / Nostre-Dame se fut imposée, Meroc cessa d’ être compris.

Tout simplement… et l’imaginaire collectif, associé à une méconnaissance de l’histoire des lieux, a fait le reste. Ce n’est donc pas vers un Saint Mérec que se dirigerait nos regards, mais vers la Vierge Marie.

« Il n’y a pas de saint Mérec » nous affirme Muriel Marchand (2) dans un ouvrage intitulé « Kergrist au XIXème siècle » très bien documenté. Développant le sujet autour des divers indices tendant à expliquer la toponymie du lieu, elle cite Julien Trévédy (1830-1908), magistrat de Quimper et passionné d’archéologie et d’histoire médiévale. Ce dernier rapporte la fameuse légende, mais c’est la dernière phrase qui nous interpelle :

 » Les enfants grandirent et devinrent tous évêques. Tous sont honorés sous un seul nom pris apparemment comme nom de famille, les saints Mairet ou Mairec« .

Tous en le soulignant, inutile de s’éterniser sur le rapports Mairec / Meiroc, mais poussons plus loin notre réflexion…

En ce qui concerne Tréverec, là encore nous pouvons nous poser des questions.  Sachant que nous nous orientons vers l’interprétation à partir du vieux-breton, reprenons le sens du mot « treb » qui donnera les variantes « treff » ou « trev » et donc « trève » (cf « paroisse tréviale« ). Anciennement appelée Tremerec, la paroisse de Trévérec prendrait tout autant ses racines dans le culte de la Vierge Marie et non dans celui d’un Saint Mérec ou d’un Saint Véran (voire Vran) comme certains le suggèrent. D’ailleurs, en 1630, la confrérie du Rosaire, et, en 1689, celle du Saint-Sacrement, s’établissent en ce lieu. Si à ce jour nous n’avons pas encore de traces plus précises, il est plus que probable que la confrérie du Rosaire ait pu s’installer dans une paroisse dédiée à la Vierge, le culte de Saint Véran n’y étant installé que bien plus tard.

Nous constatons par ailleurs – nous l’avons signalé plus haut – que Tréméreuc (22) fut une paroisse dédiée à la Vierge Marie dès le 12ème siècle. L’église Notre-Dame de Tréméreuc ( » ecclesiam Sancte Marie de Tremerreuc « ) est en effet mentionnée dès 1163 dans une bulle fulminée par le pape Alexandre III en faveur de l’abbaye de Saint-Jacut (Anciens Evêchés, IV, 277).

La chapelle Saint-Mérec de Kergrist est-elle édifiée sur un lieu qui fut dédié à la Vierge Marie ?  La probabilité est grande. Saint Mérec a-t-il quant à lui vraiment existé ? Nous n’avons que peu de traces de ce saint, et il se peut qu’il n’ait été qu’un saint de légende, au vu des éléments proposés ci-dessus. Mais la question reste ouverte.

Cet article vous est proposé conjointement par Alan J. Raude  (étymologie / toponymie) & Eflamm Caouissin (toponymie)

À propos du rédacteur Alan Joseph Raude

Linguiste, historien et hagiographe, il a notamment publié des ouvrages sur l'origine géographique des Bretons armoricains et sur l'histoire linguistique de la Bretagne.

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