Diaouled ar Menez : une fusion traditionnelle au cœur de la Bretagne

Amzer-lenn / Temps de lecture : 6 min

Diaouled ar Menez (Les diables de la montagne) est un groupe mythique de la scène bretonne, formé en 1971. Dès ses débuts, le groupe se distingue par sa volonté d’innover en alliant musique traditionnelle bretonne et influences modernes. Il devient rapidement l’un des groupes phares des festoù-noz bretons et marque de manière indélébile le renouveau de la musique bretonne des années 1970. Cette fusion audacieuse, mêlant instruments traditionnels et sonorités électrifiées, en fait une formation pionnière dans le paysage musical breton.

Les origines du groupe

Diaouled ar Menez voit le jour à Carhaix en 1971, à l’initiative de Jean-Yves Le Corre (accordéon), Philippe Le Balp (flûte, biniou et bombarde) et Bruno Le Manac’h (guitare acoustique et électrique). À l’époque, la musique bretonne connaît un regain d’intérêt, en grande partie grâce au succès de Alan Stivell, qui a ouvert la voie à une approche audacieuse mêlant sonorités traditionnelles et rock. Forts de cette inspiration, les trois musiciens forment un groupe qui se distingue par son approche novatrice de la musique celtique, en apportant un son plus électrique et moderne à la scène bretonne.

Le groupe commence sous le nom de Avel ar C’hwitell (« Le vent du sifflet »), mais après quelques prestations, ils changent de nom pour Diaouled ar Menez, une appellation donnée par Youenn Gwernig, qui caractérisait la musique du groupe comme étant « destinée à l’exaltation des corps plutôt qu’à l’élévation des âmes ». Ce nom évoquant les montagnes noires, signifiant « les diables de la montagne », résume bien l’esprit effervescent et énergique du groupe, toujours à la recherche de nouveaux sons et de nouvelles expérimentations.

Un mélange sonore unique

Le groupe, qui s’agrandit avec l’arrivée du talabarder Yann Goasdoué (futur directeur de Coop Breizh), se fait rapidement connaître sur la scène locale et populaire. Dès 1972, Diaouled ar Menez propose un répertoire énergique de musique à danser inspiré de la Basse-Bretagne, avec une forte présence des danses de Centre-Bretagne (gavotte, plinn, fisel). Ce répertoire est enrichi par le kozh et la bombarde, mais aussi par des instruments électrifiés comme la guitare et la basse, ce qui permet de donner à la musique un son résolument moderne.

Le groupe participe activement au premier revival breton, ce mouvement de redécouverte et de revitalisation de la culture bretonne, en particulier à travers des festoù-noz (fêtes dansantes bretonnes) où il se produit avec une énergie nouvelle. Leur approche unique, combinant la tradition et la modernité, contribue largement à l’essor de ces événements populaires, qui connaissent un grand succès à l’époque.

Le premier succès et la diffusion internationale

Le succès ne tarde pas à arriver. En 1972, Diaouled ar Menez enregistre son premier 45 tours, composé de « An Dro » et « Ton doubl », qui rencontre un grand succès et marque le début d’une série de prestations marquantes. La même année, le groupe participe au Festival Pop Celtique de Kertalg, où il se produit devant près de 10 000 spectateurs, et s’impose comme un acteur majeur de la scène bretonne.

En 1973, le groupe fait une tournée en Bretagne, notamment dans le pays Fañch, et se produit également à l’Olympia à Paris, aux côtés d’autres groupes emblématiques comme Tri Yann, Doon a Moor et les Wolfe Tones, devant un public celtique enthousiaste. C’est un tournant majeur dans la carrière du groupe, qui se fait connaître au-delà des frontières bretonnes.

Un premier album et une carrière en plein essor

Fin 1973, Diaouled ar Menez sort son premier album, un disque éponyme, qui devient l’un des meilleurs vendeurs de musique bretonne de l’époque. Le groupe continue de se produire sur de nombreuses scènes bretonnes et internationales, jouant dans des festivals et des concerts en France et à l’étranger.

En 1975, à l’occasion d’une tournée prévue en Irlande, le groupe modifie son style musical et explore de nouvelles sonorités, mêlant encore plus de styles et d’influences dans sa musique. Les membres du groupe s’engagent également dans diverses collaborations musicales, fusionnant la musique bretonne avec des influences extérieures, ce qui se concrétisera notamment lors du Festival interceltique de Lorient en 1983, avec une performance sous la direction du pianiste François Tusques, en association avec la fanfare Hilare Carhaisienne.

Un groupe à géométrie variable

A l’instar des Sonerien Du, Le groupe se distingue également par sa capacité à évoluer au fil du temps et des membres. Nombreux sont ceux qui ont rejoint les rangs de Diaouled ar Menez, apportant chacun leur propre touche à la formation : Patrick Sicard, Melaine Favennec, Philippe Le Strat, Michel Sohier, Tangi Le Doré, Gaby Kerdoncuff, Soïg Sibéril, Roger Bleuzen, Mourad Aït Abdelmalek, et bien d’autres. Cette richesse de talents a permis au groupe de se renouveler constamment tout en restant fidèle à son identité musicale.

Au fil des années, Diaouled ar Menez continue d’enregistrer des albums et de se produire sur scène, notamment lors des Vieilles Charrues en 1997, où ils partagent l’affiche avec des légendes comme James Brown. Leur participation à des festivals internationaux, en Allemagne, Italie, Espagne, Danemark, Belgique et Suisse, témoigne de la reconnaissance qu’ils ont acquise au-delà des frontières bretonnes.

Les derniers années

En 2007, le groupe célèbre ses 35 ans et participe à la Nuit de la Saint-Patrick à Bercy, une étape marquante dans leur longue carrière. En 2012, après plus de 40 ans de scène et environ 1 500 festoù-noz, Diaouled ar Menez fête ses 40 ans en grande pompe, notamment en clôturant le prestigieux Festival interceltique de Lorient.

Malheureusement, en 2017, la communauté bretonne perd un de ses grands artisans avec le décès de Bruno Le Manac’h, guitariste historique du groupe, suivi en 2018 par Jean-Yves Le Corre, l’accordéoniste légendaire. Leur disparition marque la fin d’une époque pour Diaouled ar Menez, mais leur héritage continue de vivre à travers leur musique et leur influence sur la scène bretonne. Les Diaouled ar Menez demeurent ainsi une figure incontournable de la musique bretonne, un groupe qui a su allier tradition et modernité pour créer un son unique et puissant à la fois enraciné et projeté dans le temps présent. Leur parcours, marqué par des engagements sociaux et culturels forts, leur a permis de jouer un rôle majeur dans le renouveau de la musique bretonne dans les années 1970 et au-delà. Avec plus de 40 ans de carrière, un répertoire impressionnant et une influence qui perdure, Diaouled ar Menez reste une référence pour les générations de musiciens et de danseurs bretons, tout en continuant à inspirer bien des musiciens.

Envie d’en savoir plus sur les pionniers de la musique bretonne ? Découvrez aussi nos articles sur le groupe des Namnediz ou les Deri Dowlas.

À propos du rédacteur Stella Gigliani

L'une des touches féminines d'Ar Gedour. Elle anime en particulier la chronique "La belle histoire de la semaine".

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