MAJ 6/05/2012- 12h00
Avant la grande manifestation prévue le 26 mai prochain, le collectif LA MANIF POUR TOUS a organisé des rassemblements régionaux. A Rennes, ce sont environ 20 000 manifestants (6000 selon la police, et 15000 au bas mot suivant la DCRI) qui se sont retrouvés dans une ambiance bon enfant mais clairement revendicative, pour montrer encore une fois leur détermination dans leur opposition au projet de loi Taubira. De nombreux élus étaient présents, dont Marc Le Fur (député des Côtes d’Armor), Christine Boutin (Présidente du Parti Chrétien Démocrate) ou encore Tugdual Derville (Alliance Vita) ou les Mère Veilleuses (cf photo 5).
De nombreux drapeaux bretons Gwenn-ha-Du et Kroaz Du ont donné le ton du cortège qui regroupait les divers régions de l’Ouest de la France. N’en déplaise à certains qui voudraient que le Gwenn-ha-Du ne soit utilisé que par les seuls « progressistes », ils étaient ici nombreux, sans doute parce que le Breton, s’il est ouvert au monde est peut-être aussi attaché à la famille comme socle sociétal.
Si la manifestation s’est déroulée sans encombres, environ 200 contre-manifestants arborant raimbow-flag et drapeaux NPA ont envahi le podium d’animation, arrachant des bannières et renversant des barrières. Plusieurs personnes de la sécurité ont été violemment agressées (cf vidéo ci-dessous transmise par l’un de nos correspondants sur place, faisant partie du staff au podium).
Par ailleurs, deux journalistes de Rennes TV ont été agressés par des manifestants ou des contre-manifestants, selon les sources et selon les sensibilités (Add : vous trouverez une analyse à ce sujet sur le blog de Fikmonskov).
Des photos de la Manif, par nos correspondants et lecteurs sont disponibles ici.
Mais au-delà de cette mobilisation, quel lendemain peuvent-ils prévoir face à cette loi qui passe en force ? Une structuration politique au-delà des clivages partisans ? Une lutte acharnée comme De Charette et ses hommes face à la dérive totalitaire de la Révolution Française ? Lorsqu’on voit le climat délétère actuel, une solution rapide doit être trouvée, mais surtout un témoignage pacifique tentant de faire comprendre les raisons des oppositions, au-delà des crispations. Traités systématiquement d’homophobes et de fascistes, les opposants au mariage gay tentent de trouver des voies pour porter leurs voix. Ce qui est certain, c’est que la Bretagne voit fleurir, comme partout, de nombreuses initiatives, allant des Veilleurs pacifiques aux Happenings médiatiques (type Hommen ou banderoles sur les ponts), en passant par les opérations klaxons, manifestations, etc. De St Malo à Brest, de Vannes à Saint Brieuc, de Rennes à Nantes, la mobilisation semble ne pas faiblir. Il est probable que d’ici le 26 mai, celle-ci ira crescendo. De l’autre côté, les partisans du mariage gay n’hésitent plus à aller au contact (cf Brest, Rennes, Nantes ou Vannes…)
Dans une optique d’apaisement général, une union civile sans adoption a été demandée par Frigide Barjot, mais cette option est rejetée par bon nombre d’opposants. En effet, après le PACS, et en tenant compte des demandes répétées des associations LGBT sur la PMA et la GPA, les raisons de refus d’une union civile sont clairement justifiées.
Mais comment faire entendre des arguments qui sont pourtant avancés régulièrement ? Il est souvent parlé, et à juste titre, d’un désir d’enfant. Il est légitime de désirer avoir des enfants et de vouloir devenir parents. Or, même si elle est souvent développée, la question ne devrait pas être posée ainsi, même s’il est humain de se la poser. Le désir d’enfant est certes là, mais dès l’instant où cela implique la revendication d’un dû, cela peut poser problème. En effet, l’enfant devrait être accueilli comme un don (si on ne croit pas en un Dieu, on peut toujours le penser comme un don de la nature, etc…). Sur ce postulat, on l’accepte comme un objet (au sens philo du terme) qui nous est confié, et auquel nous devons donner le meilleur pour son développement. Pas le nôtre, mais le sien. Je renvoie au poème de Khalil Gibran publié précédemment.
Ce postulat de départ permet à mon sens de dépasser beaucoup de questions. Je vais commencer par trois exemples simplement pour constater que rien n’est facile :
J’ai des amis qui n’ont jamais pu avoir d’enfants. Pourtant, ce sont des gens qui auraient été des parents formidables. Nous étions tristes pour eux qu’ils ne puissent aboutir à leur désir d’enfant. Au bout de quinze ans de mariage, et après un long et difficile parcours d’adoption, ils ont eu la joie d’adopter une petite fille. Ils n’ont pas considéré que leur revendication était enfin acceptée, mais l’ont accueilli comme un don, à un moment où ils n’e s’y attendaient plus…
A côté de cela, un couple ami, qui ne pouvait pas avoir d’enfants a choisi de faire une FIV. Ils voyaient cela comme un coup de pouce à la nature. Cette vision se défend aussi, et avant de plancher sur la question, j’avoue que j’adhérais à cette vision, qui plus est parce que je voyais l’exemple du couple précédent. Aujourd’hui, je suis toujours partagé. Pour en revenir à ce couple… ce sont aujourd’hui tout autant de très bons parents.
Enfin, un de mes amis, qui vit avec son ami depuis plus de 10 ans, et a deux enfants d’une précédente union avec une femme. Que l’on accepte ses choix ou non, c’est à mon sens un très bon père et son copain le serait aussi, j’en suis persuadé. Mais ils ont accepté les conséquences de leur relation.
L’humanité voudrait que l’on fasse en sorte que toute personne souhaitant se marier puisse le faire, ou que tout personne désirant un enfant puisse en avoir et les élever avec amour. Je ne souhaite pas ici polémiquer sur la question du pour ou contre le mariage gay, mais je souhaite dépasser ce débat pour aller sur une question globale incluant homos ET hétéros. La question du mariage et de l’adoption ne serait en soi pas un problème (même si à mon sens, et comme cela a été souligné en divers lieux, la loi n’a pas à prendre l’amour en ligne de compte, que ce soit pour les hétéros comme les homos), si elle n’engendrait pas des questions qui la dépassent largement et qui ont été explicitées dans certains médias, n’en déplaise aux partisans du mariage pour tous avançant qu’aucun argument valable n’a été apporté.
La question est : comment considère-t-on tout cela ? Cela passe avant tout par le postulat de départ que j’ai évoqué plus haut : la dimension du don.
Je suis convaincu que la volonté créatrice de l’homme, en s’affranchissant des contraintes naturelles, ne peut que conduire au risque de faire de l’enfant une chose à disposition. Le risque est réel. Il convient certainement de ne pas généraliser, et les trois exemples donnés tentent de montrer que rien n’est facile, qui plus est si l’on veut voir les choses avec humanité, sans exclure.
Parmi d’autres, le philosophe Damien le Guay développait cette idée que l’enfant n’est plus perçu comme un don, mais comme un dû. Le don : je le reçois et il me dépasse. Je l’accepte avec sa part de mystère et d’incertitude. Recevoir un enfant comme un don, c’est considérer que je participe à une mise au monde, à une pro-création sans en être le maître. Je suis l’instigateur d’une origine antérieure à moi et d’un enfant qui aura « sa » vie.
Je collabore doublement à la Nature et à l’épanouissement d’un enfant. Inversement, si l’enfant est un dû, cela me donne un droit sur l’enfant que j’ai « fait ». Nous ne sommes plus dans le domaine de l’accompagnement mais de la volonté revendicatrice et créatrice, avec le risque de faire de l’enfant une chose à disposition !
Toutes les questions évoquées actuellement (mariage, divorce, adoption, PMA, GPA… mais aussi d’autres comme l’avortement ou l’euthanasie) sont, je le crois, liées à une conception de la vie qui s’oppose aux contraintes de la nature et qui souhaite s’en affranchir en développant cette volonté créatrice (et donc revendicatrice) de l’Homme.
La question ne se pose donc pas sur l’orientation sexuelle des individus, sur une question égalitaire ou autres raisons, mais plutôt sur notre conception de la vie.
La promotion de cette écologie humaine, portée par Tugdual Derville (Alliance Vita) devra prendre en compte les diverses tendances et sensibilités vue au sein des Manifs pour Tous, pour pouvoir avancer dans la direction voulue. Sans cela, l’ampleur de la mobilisation ne restera qu’un épisode sans lendemain.
Tanhouarn
Photos et Vidéo : MGL, G.F. & M.A. pour Ar Gedour