SAINT ELIS, un saint masqué

Saint Elis est un saint masqué.  Son nom est homonyme du mot elis/ilis « église » et de ce fait les noms de lieux dont il est l’ éponyme ont été mal compris.

LANNILIS, etc.

Il est évidemment tout simple de comprendre Lannilis comme « le lann de l’église », Bodilis comme « le bouquet d’arbre de l’église, Brennilis comme « la colline de l’église ». Mais étant donné que toute église avait un lann « enclos sacré » (moderne « enclos paroissial »), et qu’il est usuel d’avoir des bouquets d’arbres près des sanctuaires, étant donné que Brennilis n’était pas un chef-lieu de paroisse et qu’une église n’y est venue que tardivement, il n’est pas raisonnable d’en rester à cette explication. Si l’on y ajoute les 132 Kerilis (+2 Kerilys)  et 97 Kerillis, les 53 Guernilis (Gwern–ilis) recensés au Parcellaire breton, lieux où il n’y a nulle église, il est clair qu’il faut voir en –ilis un nom propre, un « anthroponyme ». A Brennilis  le cas est différent. Ce nom s’ explique par un vieux-breton *Bronn-Elis « source de l’ Eles » (la rivière Eles, affluent de l’ Aulne).  Lannilis ne porte pas seulement le nom d’ un habitant ou propriétaire, mais est l’ enclos sacré de Sant Elis , et Bodilis  est la résidence du saint.

DE   ILIS  A  MOLAISE

Un saint Elis/Ilis n’est pas directement répertorié en Bretagne, mais Elisuc, nom d’ un abbé de Landevennec en 1070 témoigne de l’existence d’un nom simple Elis. (Ilis pour Elis est une variante normale par affection vocalique dans le breton du Léon.)  Le nom Elis est  connu en Galles, fréquent  au moins depuis le 15ème siècle. Plus ancien est en Irlande le nom de s. Molaise [moli•e] : évêque des îles Aran au 6ème siècle, il dirigea un monastère dans une autre île, Inis-Murray. Le nom de Molaise contient le préfixe de sympathie Mo– et le radical du nom  *Elaise correspond à Elis, que l’on peut faire remonter au nom hébreu biblique Elisa . Mais Elis remonte tout aussi bien à un vieux-celtique *Alîssos, dérivé du radical *al- ‘roche ».

MILISAC

Le nom de la paroisse léonaise de Milizac (graphie altérée pour Milisac) a fait l’objet d’ hypothèses aberrantes. Le bourg de Milisac n’est qu’à 12km de celui de Lannilis et il est clair que les deux paroisses ont le même éponyme (OGBA p.157). Comme en Irlande on a donc ici le préfixe brittonique Mo-. La désinence –ac au lieu de –oc (ou –ec) est due à un clerc latinisant.

Saint Molaise est connu pour avoir calligraphié une copie des évangiles, manuscrit pour lequel un orfèvre exécuta un écrin émaillé, d’un travail remarquable, représentant les symboles des quatre évangélistes. Or ces symboles, réalisés dans un style ibernien élaboré, ont les mêmes positions et attitudes,  de face ou de profil, que ceux représentés au verso de la croix-reliquaire en ivoire  retrouvée au presbytère de Milisac.  Nous montrons par ailleurs que  la croix de Milisac est au moins d’inspiration copte, alors que les « étuis à évangiles » sont depuis l’antiquité une spécialité copte. Ces coïncidences sont trop spécifiques pour être le fait du hasard et témoignent, au sein de la chrétienté celtique, de relations entre l’ Ibernie et le Bas-Léon, tout autant que des contacts productifs entre les chrétiens d’ Egypte et la chrétienté celtique