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Bale e Bro-Gwened / Promenade dans le pays de Vannes : Ar barroù mae / Les branches de mai

Amzer-lenn / Temps de lecture : 6 min

Parmi nos vieilles traditions pas encore éteintes, il en est une spécialement émouvante : celle des barroù-mae (branches de mai). Ce n’est un secret pour personne que le mois de mai, mois de la renaissance de la création après le sommeil de l’hiver et du timide réveil de début de printemps, est un mois spécialement honoré-

Il serait long et fastidieux d’énumérer les nombreuses traditions qui émaillent ce temps béni par Dieu et la Vierge, j’en viens donc à l’essentiel.

Chez les vieux Celtes, en Grande et Petite Bretagne, ainsi qu’en Irlande existaient deux fêtes principales dans le vieux calendrier druidique : les fêtes de Samhain au 1er novembre, fête de la rencontre entre les morts et les vivants, où la création périclite en attendant sa résurrection et celle de Beltaine, où la nature renaît dans la beauté de ses frondaisons ; fête où saint Patrice institua le feu pascal face aux druides du mont Tarah et emporta l’adhésion des rois et des peuples irlandais à la foi chrétienne.

La connotation de fête du travail qu’a pris le Premier mai est constitutive du glissement à la fin du XIXème siècle d’une société autrefois proche de la nature à une société happée par l’industrialisation. Et ce n’est pas un hasard si les syndicalistes américains de la fin du XIXème siècle choisirent cette date comme fête du travail, en cela suivis avec enthousiasme par de nombreux travailleurs du monde entier, car dans l’imaginaire collectif, cette date du premier mai ramenait à une innocence perdue dans le rapport entre le nouvel urbain prolétaire qui a perdu ce rapport direct de convivialité et de bucolisme et ne peut le récupérer qu’une foi l’an , le muguet ayant pris la place des arbres de mai, et les cortèges et pique-niques du premier mai pour les déracinés de la terre en sont un lointain avatar.

C’est dans ce même esprit de paradis perdu que Pie XII institua en 1955 la fête de saint Joseph artisan chaque premier mai afin de rappeler la dignité du travailleur parfois broyé et éprouvé en lui mettant en exemple saint Joseph qui éduqua Jésus en lui enseignant la dignité de l’ouvrier et de la valeur du travail.

Revenons donc aux sources de notre premier mai, bien loin des cortèges et des grandes villes. Car chaque petit coin d’Europe a ses petites traditions du mois de mai que l’Eglise a souvent intégré avec une inculturation pleine de bienveillance :

Plantations d’arbres de mai, danses de mai, arbre des fées, couronnes de mai, mâts de mai…

Ces traditions sont faites de convivialité, d’insouciance et d’action de grâce pour un mois riche en promesses. Et ce premier mai nous fait entrer tranquillement dans une délicieuse suite de fêtes toujours en lien avec le cycle pascal : Rogations, Ascension, Pentecôte, Fête-Dieu Sacré Cœur, Saint Jean-Baptiste…

Sans compter les pardons, les communions solennelles et confirmations en attendant l’été et les moissons ainsi que les vacances et leurs délicieux bains de mer et de soleil, ainsi que les promesses de revigorantes siestes ombragées.

 

Voici donc celles propres au pays vannetais :

 Chez nous, point besoin d’arbres de mai, car nous célébrons ce beau jour par la pose de rameaux et de feuillages de hêtre un peu partout où l’inspiration du moment nous le dicte.

Pourquoi le hêtre ? A mon humble avis, c’est que sous nos latitudes, c’est l’essence d’arbre qui à la date du 1er mai nous offre un vert d’une beauté la plus sublime.

Selon certaine commères ag ar c’hornad (du crû) : « c’est tellement beau comme couleur que l’on dirait presque que c’est artificiel… » (sic)

Et même si cette tradition a fortement périclité, elle reste encore bien vivante selon les lieux et les familles et est très simple à raviver et mettre en œuvre. Henri-François Buffet témoigne dans son ouvrage de référence sur les traditions du pays vannetais « En Bretagne Morbihannaise » paru 1947 : « La branche de hêtre était à l’honneur le 1er mai, c’était la « branche de mai » (er barr mae ou er c’halemae/ Ar c’halan mae : calende de mai). On la piquait aux portes des maisons, aux fenêtres, des gamins en décoraient les sommets des toits de chaume

Barroù mae àr zor me zi-chistr e 2022 (Rianteg)

Branches de mai sur la porte de mon ti-chistr (cave à cidre) en 2022 (Riantec)

 On n’oubliait pas non plus l’étable, la voiture, le licou du cheval, le puits, la fontaine, le poulailler le four, et même le fumier.

On disait à Brandivy que les Juifs avaient fixé un rameau à la porte de Jésus pour reconnaître sa maison, et le faire mourir, mais que pendant la nuit, tous les habitants avaient eux aussi placé des rameaux sur leur demeure pour dérouter les recherches, et depuis ce 1er mai-là, l’usage s’en est maintenu.

À Baud, Riantec ou Pluvigner, le hêtre était souvent mêlé à l’aubépine. […]

À Sarzeau, sous la Restauration, on suspendait alors des couronnes et des guirlandes de feuillage au-dessus des rues où l’on dansait, et dans le pays de Baud, en 1840, on confectionnait des globes de verdure mêlés de fleurs des champs, et l’on plantait sur les places des bourgs de jeunes hêtres ou bouleaux parmi les plus beaux. »

Ces rites ancestraux ont été quasi effacés des mémoires, remplacés par le très urbain et industriel muguet, mais ne sont point encore morts

Rien que leur gratuité peut les ressusciter et éviter de les faire passer de vieilleries de ploucs en les changeant en un concept super tendance, inclusif où l’on peut mettre les enfants comme les vieux dans la partie :

Reconnaître un hêtre : pour nombre de connectés, ce n’est pas évident de nommer une essence d’arbre.

  • Cela peut être aussi un défi à réaliser en famille : choisir et collecter des rameaux de hêtre en battant la campagne, voire confectionner des couronnes en famille.et trouver les endroits où les poser avec amour pour son prochain. Sans compter que le muguet peut être toxique en plus d’être cher, la branche de hêtre est gratuite et inoffensive pour la santé.
  • Une surprise et renouer du lien social avec ses voisins, surtout avec les anciens :

Dans la soirée du 30 avril au 1er mai, après avoir décoré sa maison et ses dépendances, laisser quelques barroù mae-branches de mai- à ses voisins qui les mettront ou pas où ils voudront, ce qui sera par la suite prétexte à discuter avec eux, voire de les inviter et de leur demander s’ils se souviennent de ce rite de leur enfance.

Et pour nous, Chrétiens, en les posant comme en les rangeant dans le bois à brûler le dernier jour de mai, ne pas hésiter à prier la Vierge :

Au premier mai : Digor é miz Mari, ar c’haerañ ag ar blez…

(Le mois de Marie est ouvert, le plus beau de l’année)

Au dernier jour de mai : E ya d’achu, o Mamm karet, o miz ken kaer!

(Votre mois s’achève, ô Mère bien-aimée, ô mois si beau!

Bet eurus ‘pad miz Mae ! Soyez heureux durant le mois de mai ! A greiz kalon d’an holl,

 

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À propos du rédacteur Uisant ar Rouz

Très impliqué dans la culture bretonne et dans l'expression bretonne dans la liturgie, Uisant ar Rouz met à disposition d'Ar Gedour et du site Kan Iliz le résultat de ses recherches concernant les cantiques bretons, qu'ils soient anciens ou parfois des créations nouvelles toujours enracinées dans la Tradition. Il a récemment créé son entreprise Penn Kanour, proposant des interventions et animations en langue bretonne.

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Un commentaire

  1. Mad tré, Uisant! J’ai découvert l’arbre de mai il y a plus de 50 ans par une voisine qui ne manquait pas d’ apporter une branche à ma grand-mère qui ne pouvait plus guère se déplacer…

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