Suivre la voie du Christ : pour une diplomatie liturgique au-delà des étiquettes

Amzer-lenn / Temps de lecture : 4 min

Dans un monde polarisé, où chaque position semble devoir s’inscrire dans une logique binaire – progressiste ou conservatrice, réformiste ou traditionaliste – la tentation est grande de chercher des repères rassurants dans des camps bien délimités. Cela vaut pour les domaines politiques, sociaux, culturels mais aussi ecclésiaux. On est le tradi ou l’intégriste de l’un, le progressiste ou le chacha de l’autre, et parfois des murs s’érigent au lieu des ponts favorisant les rencontres. Pourtant, dans le cadre de la diplomatie – et plus largement dans la vie chrétienne – il existe une voie plus exigeante, mais infiniment plus féconde : la voie médiane, celle qui se refuse à choisir un extrême au détriment de l’autre, non par indécision, mais par fidélité à une vérité plus haute. Une voie qui parfois semble incomprise de ceux qui ne voient le monde que de manière binaire, alors que la réalité l’est de moins en moins.

La diplomatie de l’Évangile : au service de la paix et de la vérité

La diplomatie véritable, qu’elle soit politique ou spirituelle, ne consiste pas à ménager les sensibilités pour éviter les conflits. Elle consiste à chercher la vérité dans l’humilité, à construire des ponts, à écouter sincèrement, cela sans renier ses convictions. Cette posture, profondément chrétienne, trouve son modèle en la personne même du Christ : ni violent face aux pharisiens, ni complaisant envers les marchands du Temple, mais toujours ancré dans la justice et la miséricorde.

Suivre la voie du Christ en diplomatie, c’est refuser d’ériger ses préférences personnelles en absolus. C’est être capable de reconnaître la valeur dans la tradition sans idolâtrer le passé, et d’accueillir l’élan du renouveau sans tomber dans le culte du changement. C’est être à même de se dire que le seul chemin, la seule vérité et la Vie, c’est le Christ. Pas nous.

Liturgie : une école de la juste mesure

S’il est un lieu qui devrait être havre de communion, la liturgie devient régulièrement source de tensions. Or la liturgie chrétienne est une école de cette voie médiane. Elle nous apprend que l’essentiel ne réside ni dans l’ornementation excessive ni dans le dépouillement systématique, mais dans l’orientation du cœur vers Dieu. Que l’on soit touché par le silence d’une messe tridentine ponctuée de grégorien, par une mélodie bretonne contemplative ou par la ferveur d’un chant plus contemporain, ce qui compte, c’est la rencontre véritable avec le mystère de Dieu.

Or, malgré la porosité de plus en plus flagrante dans les mouvements, il est devenu courant d’étiqueter les sensibilités liturgiques : tel chrétien est « traditionaliste » voire « intégriste » parce qu’il aime le latin et l’encens, tel autre est « progressiste » parce qu’il apprécie les guitares et les rythmes syncopés. Mais cette logique d’étiquetage est profondément antichrétienne et n’apporte rien. Elle enferme, divise, réduit les personnes à une apparence ou une préférence. Pire encore, elle contredit l’appel fondamental de l’Évangile : « Qu’ils soient un ». En faisant cela, nous sommes de ceux qui participent à déchirer la tunique du Christ.

L’étiquetage : un piège pour la charité

Dans la diplomatie comme dans la liturgie, il est facile de parler d’ouverture à l’autre tout en maintenant des catégories implicites : « Je suis ouvert, mais pas à ceux-là. » Que peut-on construire à part des murailles honteuses qui nous éloignent de nos frères, quand on est dans l’exclusion ? Toute ouverture véritable suppose d’abord une sortie de soi, un dépouillement des jugements hâtifs et blessants. Étiqueter les autres, c’est déjà leur refuser la complexité et la richesse de leur parcours intérieur. C’est nier que, dans chaque croyant, il peut y avoir un désir authentique de Dieu qui ne rentre pas dans nos cases. C’est finalement nier une part d’humanité à l’autre.

Vers une diplomatie du cœur

Choisir la voie médiane ne veut pas dire naviguer à vue ni céder au relativisme. Cela suppose au contraire une grande fermeté intérieure : celle de chercher la paix sans renier la vérité. Cela demande aussi une fidélité à l’esprit plus qu’à la lettre, au souffle de l’Évangile plus qu’aux postures humaines. Dans cette perspective, la liturgie elle-même devient une forme de diplomatie du cœur, un lieu où chacun, quel que soit son bagage, peut rencontrer Dieu sans avoir à se justifier. En définitive, la seule voie sûre n’est ni celle d’un passé idéalisé ni celle d’un futur fantasmé, mais celle du Christ vivant. C’est une route étroite, mais lumineuse, où la diplomatie s’unit à la charité, et la vérité à la paix.

À propos du rédacteur Eflamm Caouissin

Marié et père de 5 enfants, Eflamm Caouissin est impliqué dans la vie du diocèse de Vannes au niveau de la Pastorale du breton. Tout en approfondissant son bagage théologique par plusieurs années d’études, il s’est mis au service de l’Eglise en devenant aumônier. Il est le fondateur du site et de l'association Ar Gedour et assure la fonction bénévole de directeur de publication. Il anime aussi le site Kan Iliz (promotion du cantique breton). Après avoir co-écrit dans le roman Havana Café, il a publié en 2022 son premier roman "CANNTAIREACHD". En 2024, il a également publié avec René Le Honzec la BD "L'histoire du Pèlerinage Militaire International".

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